Georges Pompidou


"Un homme mystérieux avec un côté balzacien"   -Charles de Gaulle-


Plan :

Naissance
Famille PATERNELLE
Famille MATERNELLE
Mariage
Le PERSONNAGE : Aspect physique


1) La jeunesse de Georges Pompidou

2) La carrière avant la présidence

La réforme de l'élection présidentielle
Élections présidentielles de 1969

3) Le président de la République (1969-1974)

4) Fin de sa vie


- Georges Jean Raymond Pompidou.

- Naissance -

Le 5 juillet 1911, à Montboudif (Cantal), dans la maison natale de ses grands-parents Chavagnac. Baptisé le 14 Août.

Famille - PATERNELLE -

Originaire d'Auvergne, elle a franchi en trois générations toutes les étapes de l'ascension sociale. Le nom de Pompidou ("un nom qui a l'air de se moquer de tout le monde", en dira de Gaulle) signifie soit "Pont à péage" - ce serait une variété dialectale (langue d'oc) de Pont Pagadour (qui a donné ainsi Pompadour) - soit "pont que l'on passe à pied" - sens que l'on retrouve dans le français d'oïl Guépéan (qui n'est sans doute pas gué-payant, alors que Pompeillan et Pompignan sont sûrement des déformations de Pont Payant -). Montboudif (déformation de Montbouïldif ou Montboulhdif, le mont des "sources bouillonnantes") est le lieu de résidence de la famille maternelle de Georges Pompidou.

Premier ancêtre connu : Martin Pompidou (né en 1768). Laboureur à St-Julien-de-Coursac (Cantal).

Arrière-grand-père : Martin Pompidou (né au début du Ier Empire), il ne sait ni lire ni écrire.

Arrière-grand-mère : Marianne (né en 1811), veuve à 44 ans avec 4 enfants dont l'aîné à 12 ans. Elle exploite une ferme du domaine de Naucase, aux environs de Maurs (aux confins du Cantal et du Lot), avec ses deux fils. Le 1er, Pierre, succédera à sa mère.

Grand-père : Le 2e fils, Jean, reste maître valet pour 250 F par an. Il a 2000 F d'économie lorsqu'il épouse une couturière qui lui apporte 1000 F ans en dot. Le ménage habite une petite maison à proximité de la ferme, "l'oustalet du Martinet".

Père : Léon (1887-1969), né à la ferme, il passe son certificat d'étude avec mention très bien, et ensuite le concours des bourses, entre 1er à l'école Normale Primaire de Murat puis à l'Ecole des Maîtres d'Aurillac d'où il sort premier. Instituteur à Murat, il épouse, le 24 septembre 1910, Marie-Louise Chavagnac, également enseignante. Au moment de la naissance de Georges, Léon a obtenu son diplôme de professeur d'Espagnol dans l'enseignement primaire supérieure ; il obtient un poste à Albi. Il décide de poursuivre ses études jusqu'à l'agrégation ; deux fois par semaine, il se rend à Toulouse pour suivre les cours donnés à la faculté des Lettres par Ernest Mérimée, créateur en France des études hispaniques. En 1913, il est reçu au certificat d'aptitude à l'enseignement de l'Espagnol dans les lycées et collèges. Il est mobilisé en 1914 ; le 19 Août, il est blessé à la jambe. Rétabli après un an et demi d'hôpital, il se porte volontaire pour l'armée d'Orient. Il ne reviendra qu'en mai 1919. Il reprend son poste à Albi et assure également les cours d'Espagnol à l'École normale de jeunes filles, car sa femme de son côté, souffrant de grippes interminables, ne pourra pas continuer longtemps à donner des cours de mathématiques. Mais cette double activité l'oblige à renoncer à poursuivre la préparation de l'agrégation. A l'École normale d'Aurillac, il a été séduit par les théories socialistes, puis fasciné par le prestige de Jean Jaurès, alors député de Carmaux. En 1912, il s'est inscrit, à Albi, à la section locale du Parti Socialiste. Mais, timide et sans qualités oratoires, il n'a pas d'ambitions politiques. Il figure néanmoins, en 1925, sur la liste socialiste conduite par le Dr Laurent Camboulives qui devient maire d'Albi en 1925 ; lui-même sera élu conseiller municipal. C'est un homme d'une insatiable curiosité intellectuelle, ne cessant de se cultiver (il apprend l'italien à 70 ans). Il semble avoir orienté de manière décisive la carrière de son fils. A la fin de sa vie, il passe tous ses week-ends à Orvilliers, et ses vacances en Bretagne, avec les Pompidou.

Famille - MATERNELLE -

Arrière-grand-père : Un cafetier de Montboudif, ancien maquignon.

Grand-père : Etienne, il fait fortune dans le commerce forain de la toile. A sa mort (prématurée), il laisse sa veuve à la tête d'un petit avoir que les bons de la Défense Nationale amputeront des 4/5.

Mère : Marie-Louise Chavagnac (morte en 1945), Aux grandes vacances de 1909, Léon Pompidou viendra à Montboudif demander la main de Marie-Louise aux parents de celle-ci. La jeune fille prend un an de congés pour rétablir sa santé avant de se marier. Les noces ont lieu le 24 septembre 1910. Institutrice, elle obtient un poste près de Murat, puis à Albi. D'une grande fermeté, elle surveille de près les études de son fils.

- Mariage -


Le 29 octobre 1935, il épouse Claude Cahour, étudiante en 1ère année de Droit à Paris, qu'il a rencontré à Paris.


Mme Pompidou : Fille d'un médecin-chef de l'hôpital et de l'Hospice Saint-Joseph de Château-Gontier (Mayenne) (où mourra la mère de Georges Pompidou, à la veille de Noël 1945). De bonne bourgeoisie bretonne (industriels à Brest, universitaires et médecins à Nantes et Angers), orpheline de mère, elle n'a qu'une sour, Jacqueline, licenciée en histoire.

Grande, blonde, élégante, sportive ( c'est une nageuse et une bonne joueuse de Tennis), Claude Pompidou aime également diriger une maison. Mondaine, elle partage avec son mari son goût pour les réceptions, les soirées au Théâtre, les rencontres avec des écrivains, des artistes, etc. C'est elle qui amènera son mari à aimer la peinture non figurative. Mais la politique l'effraie. Elle refuse même un siège de conseillère municipale de Carjac et ne fera rien pour pousser son mari dans la carrière politique.

Depuis son veuvage, elle se consacre à la Fondation Claude Pompidou (pour l'enfance inadaptée qu'elle préside toujours).

Enfant : Un fils adoptif, Alain (né en 1942), professeur agrégé de médecine, biologiste des hôpitaux ; marié, 3 enfants. Il professe à la faculté de médecine Cochin-Port-Royal à Paris.

Le personnage - Aspect physique -


Grand et resté élancé jusqu'à 50 ans, très brun avec des yeux bleus sous des sourcils très broussailleux, le nez hardi, la lèvre sensuelle, un grand front, il a tout, dans sa jeunesse, du "beau ténébreux" (cheveux noirs, puis tempes argentées).


- Attitude -


Travaillant avec facilité, il cultive une dilettantisme qui le fait taxer de paresseux. Il aime se reposer dans sa propriété d'Orvilliers, près de Paris, ou à Carjac. Gourmet, il attache de l'importance à la bonne cuisine (déjà, à Matignon il considère son chef cuisinier comme un collaborateur éminent). Il fume trois paquets de cigarettes par jour.


- Caractère -


Ami sûr, il est méfiant, peu porté aux élans, secret. Mais il est hypersensible, rigoureux et autoritaire, et sera aussi un politique adroit et assuré. Courtois et d'apparence bonhomme, il sait trancher avec dureté s'il le faut. Pouvant être tour à tour enjoué, solennel et secret, il sait foudroyer d'une réplique un maladroit.

Ambitieux sans impatience, il prétendra n'avoir pris que 3 ou 4 décisions dans sa vie : son mariage, celle de quitter l'université pour le Général de Gaulle, puis l'administration et la politique pour les affaires privées. Le reste se serait imposé à lui. Homme politique, ce n'est pas un homme public (il a du mal à parler devant une assemblée).

1) Jeunesse de Georges Pompidou


Après quelques mois passés en nourrice, le petit Georges rejoint ses parents à Albi (1912), où son père a été nommé professeur de Lettres et d'Espagnol. A 3 ans, sa mère lui a déjà appris à lire. On le met à l'école maternelle où sa précocité stupéfie son institutrice, Mlle Durant.

Pour ses études primaires, il va à l'école communale, puis au lycée d'Albi où il entre en 8e à 8 ans.

Lors de ses études secondaires, il est le plus jeune de sa classe, est toujours premier et remporte régulièrement 7 à 8 prix, sans se donner aucune peine. Son père lui reproche un manque de méthode et de travail. Il est d'ailleurs d'une indépendance ombrageuse, dissipé en classe. Il dévore un livre par jour (Jules Verne, Ponson du Terrail, Stendhal, Balzac, romans d'Indiens, poètes, classiques grecs et latins, etc...).

Présenté au concours général à 14 ans, il obtient le 1er prix de version grecque (2e, René Billères, futur ministre de l'Éducation Nationale). Ne s'intéressant ni aux sciences ni aux langues vivantes et ennemi de l'effort inutile, il passe son baccalauréat de justesse. Georges Pompidou passe son année de philosophie mais les spéculations métaphysiques ne l'intéressent pas encore.

Hypokhâgne : il obtient une bourse et entre en hypokhâgne à Toulouse en 1929.

Lors de ses études supérieures, un seul professeur le marquera véritablement : celui d'Histoire, M. Gadrat, "Gueule cassé" de la première Guerre Mondiale, qui lui enseignera "la notion essentielle" et le respect de la France. Il en sort avec 5 premiers prix (versions grecque et latine, histoire, allemand, histoire ancienne) et un 2e prix (composition française). Ayant demandé une bourse pour poursuivre ses études à Paris, il entre en Khâgne, en 1930, au lycée Louis Le Grand. Interne, il y retrouve des provinciaux avec lesquels il se lira d'amitié : le Sénégalais Léopold Sedar Senghor (futur président du Sénégal) et Pham Duy Kiem (futur ambassadeur du Viêt-Nam à Paris).

Il a alors 19 ans. Il se livre peu, écoute plus qu'il ne parle, affectant une certaine nonchalance, montrant de la mesure, de la pondération. Politiquement, il se sent de gauche. Il lit régulièrement le Populaire, est inscrit un an aux Étudiants socialistes, mais il renonce rapidement à tout embrigadement. Il milite cependant dans les rangs de la Ligue d'Action Universitaire Républicaine et Socialistes (organisation antifasciste créée par Pierre Mendès France) et fait le coup de poing contre les Camelots du roi. Admis à l'écrit à l'Ecole Normale Supérieure (il est 17e),il échoue de peu à l'oral (il est 34e alors qu'il n'y a que 31 places au concours). Il est reçu 8e au concours de 1932 (9e à l'écrit).

A l'École Normale Supérieure, rue d'Ulm, il donne quelques leçons particulières pour compléter le maigre pécule versé par l'École Normale. De ces trois années, où il n'a travaillé que ce qu'il fallait pour passer les examens, il conservera un souvenir impérissable.

En 1933, il fait un voyage en Autriche et en Allemagne et passe par Munich (au moment d'une gigantesque manifestation hitlérienne), pour y visiter la Pinacothèque. En 1934, le jour du grand concours, il remet ses copies une heure avant les autres concurrents. Il est reçu 1er à l'agrégation de lettres, mais le jury lui refuse ses félicitations pour avoir été un élève trop décontracté. Agrégé de lettres et diplômé de l'Ecole Libre des Sciences politiques.

Pour accomplir son service militaire, Georges Pompidou est envoyé à Saint-Maixent avec René Brouillet, il en sort sous-lieutenant six mois après et part en garnison 6 mois à Clermont-Ferrand. La discipline militaire lui convient mal et on le verra par exemple rattraper, en taxi, sa section déjà en manouvre sur les pertes du Puy-de-Dôme. Déplorant que tous les universitaires soient versés dans les états-majors, il refuse de suivre les cours d'Etat-major.

2) La carrière avant la présidence


En octobre 1935, Georges Pompidou est nommé professeur de français-latin-grec au lycée Saint-Charles à Marseille. Il est chargé de la 3eA puis de la seconde et de la première, ce qui lui vaut de conserver trois ans les mêmes élèves. Son enseignement oral, vivant, en apparence désinvolte surprend d'abord les élèves. Mais la méthode porte ses fruits : presque toute la classe passera en seconde.

En 1938, il est nommé au lycée de Versailles et permuté avec un professeur du lycée Henri IV à Paris ; son père ayant été nommé professeur d'Espagnol au collège municipal (plus tard lycée) Lavoisier à Paris. A 27 ans, il est le plus jeune professeur titulaire de tous les lycées parisiens. Il enseigne 5 ans à Henri IV en 3eA et en seconde A, assurant aussi partiellement l'enseignement du français dans la classe préparatoire à l'École coloniale. Parallèlement, il entreprend une thèse (jamais finie) sur Barbey d'Aurevilly, romancier. Le ménage Pompidou s'est installé dans un trois-pèces, rue José-Maria-de-Hérédia.

Au moment où commence la Seconde Guerre Mondiale, en 1939, Georges Pompidou fait une période de réserve au 141e régiment d'infanterie alpine, une unité de Marseille à laquelle il avait été affecté lorsqu'il professait au lycée de Marseille. Mobilisé, il est envoyé dans la région de Grasse. Parlant allemand, il est nommé officier de renseignements. Son régiment va en Allemagne, puis en Alsace, en Bretagne, et enfin dans la Somme, alors qu'il s'apprête à partir pour la Norvège. Partout, Pompidou se fait remarquer pour son calme dans les moments dangereux (il sera décoré de la Croix de Guerre). En juin 1940, au moment de la demande d'armistice, le 14e régiment se trouve à Nexon, en Haute-Vienne, près de Limoges. Georges Pompidou a pu prévenir sa femme qui vient le rejoindre.

A la démobilisation, Pompidou revient reprendre ses cours au lycée Henri IV. Gaulliste "de sentiment", il n'aura cependant que des contacts épisodiques avec la Résistance. Tout cela, il l'avoue, reste passif. Une seule fois, il a eu l'occasion de proposer ses services à un résistant de ses amis, rencontré par hasard, Jean, mais celui-ci, traqué par les Allemands, ne donne pas suite. Pompidou n'en est pas moins averti, en juin 1944, que son arrestation a été décidée, à la suite d'une dénonciation dans l'entourage d'Abel Bonnard, mais elle sera remise. Plus tard, Pompidou refusera la médaille de la Résistance, accordée pourtant à des gens qui en avaient fait moins que lui.

Le 25 Août 1944, badaud parmi les badauds, il aperçoit pour la première fois, le Général de Gaulle, qui descend en cortège les Champs-Élysées. Peu après, son ami René Brouillet (auquel il a écrit son désir de coopérer à quelque titre que ce fut) le fait nommer chargé de mission au cabinet du Général, pour faire la liaison avec l'Education nationale. Georges Pompidou a démenti lui-même la légende selon laquelle le Général aurait demandé un "agrégé sachant écrire". Chargé également de l'Information, Pompidou aura à s'occuper de la création de plusieurs journaux, dont le Monde. Il lui arrive aussi de rédiger des notes pour de Gaulle, à la place de Brouillet, surchargé de travail. A cette époque, il tente vainement, par estime intellectuelle, de sauver Brasillach.

A l'automne 1945, sur les conseils de Jean Donnedieu de Vabres, il pose sa candidature comme maître des requêtes au Conseil d'État, et le Général fait approuver par le conseil des ministres la décision de le nommer au premier poste vacant.

Fin 1945, Georges Pompidou est ainsi nommé maître de conférences à l'Institut d'Études politiques.

En septembre 1946, Pompidou entre au Conseil d'État comme maître des requêtes au contentieux (maître honoraire en 1957).

Parallèlement, Georges Pompidou devient "l'éminence grise" du Général de Gaulle, par le biais de la fondation Anne de Gaulle, dont il est nommé trésorier sur les conseils de son ami Donnedieu de Vabres, qui occupait précédemment le poste. Il va s'occuper de résoudre tous les problèmes d'ordre pratique que pose cette fondation (pensionnat et maison de santé). Il rencontre deux ou trois fois le Général, qui apprécie à la fois sa discrétion et sa faculté de donner des solutions à toutes les questions matérielles (qualité qui lui vaut également l'estime de Mme de Gaulle). Il devient le secrétaire général du groupe d'études créé par Palewski et rassemblant les principaux cerveaux du gaullisme pour étudier les réformes à promouvoir. Dans les bureaux installés 69, rue de l'Université, à 100 m du siège du RPF, Pompidou reçoit Debré, Raymond Aron, Albin Chalandron, Querrier, etc., et c'est même là qu'il rédige ses rapports pour le Conseil d'État. Au même moment, en 1947, il adhère au centre des Hautes Études administratives, dont Michel Debré était l'initiateur, et où il représente le Conseil d'État. Le 23 avril 1948, jour de la Saint-Georges, de Gaulle lui demande de devenir son chef de cabinet, en marge du RPF, créé en 1947. Ayant apprécié son style, il le charge de mettre au net les "notes de synthèses" qu'il avait rédigées chaque soir en 1944-46. Pompidou remplira sa tâche avec compétence et discrétion. Il s'occupe également de gérer les finances du RPF et de recueillir des fonds, bien qu'il n'ait pas adhéré au parti. Jusqu'en 1954, il sera le collaborateur le plus intime de De Gaulle ; il le voit quotidiennement, mais ne fait pas directement de politique. Il se lie avec Olivier Guichard et René Fillon, universitaire, fondé de pouvoir à la banque Rothschild, qui s'occupe de la comptabilité embrouillée du RPF. En 1953, le RPF est dissous mais Pompidou reste en liaison étroite avec le Général, retiré à Colombey. C'est lui, par exemple, qui traite avec la librairie Plon, éditeur des Mémoires du Général de Gaulle.

Le 1er février 1954, sur intervention de René Fillon, il entre, à 46 ans, au groupe Rothschild, comme directeur de la Compagnie des chemins de fer du Nord, où il est chargé de régler un certain nombre de dossiers litigieux et complexes. René Fillon souhaitant devenir sénateur, Pompidou va l'aider. Il accompagnera Guy de Rothschild dans un voyage en Afrique noire, voyage au cours duquel des relations personnelles s'établissent entre les deux hommes. En juillet 1954, Guy de Rothschild confie à Pompidou la direction d'une filiale de la banque Transocéan. Quand René Fillon abandonne son poste, Pompidou lui succède. Il continue, en même temps, sa collaboration aux Sciences Politiques. Entre 1956 et 1958, Georges Pompidou se retrouve directeur général chez MM. de Rothschild Frères, il fait son chemin dans le monde des affaires.

En mai 1958, de Gaulle se met "à la disposition du pays" secoué par le putsch d'Alger. Pompidou a, en fait, été tenu à l'écart des manouvres clandestines des militants gaullistes (Foccard, Delbecque, Guichard, Debré, Soustelle), ce qui lui permettra plus tard de ne pas apparaître compromis aux yeux des activistes d'Alger. A l'époque, il considère encore que son avenir est davantage dans les affaires que dans la politique. Le 28 mai 1958, Georges Pompidou déjeune à La Boisserie, chez le Général de Gaulle. Celui-ci lui annonce qu'il est à la veille de revenir au pouvoir et lui demande d'assurer la direction de son cabinet. Pompidou accepte, mais pour un temps seulement, condition mise par son épouse. Le lendemain, il prend ses fonctions dans deux chambres de l'Hôtel Lapérouse. Il a demandé à la Banque Rothschild une mise en congé pour six mois (il continuera à toucher ses émoluments jusqu'en 1962). Il convoque les représentants des groupes parlementaires, met à l'aise les arrivants, calme la déception des "oubliés". Il aide le nouveau président du Conseil à nommer de nouveaux titulaires à la tête de plusieurs départements ministériels.

Le 1er juin, Georges Pompidou devient officiellement directeur du cabinet du Général de Gaulle, devenu président du Conseil. Il participera à l'élaboration de la nouvelle constitution à la mise au point des mesures économiques et financières du ministre des Finances, Antoine Pinay, jouant souvent le rôle de tampon entre Pinay et le Général. Ignoré du grand public, il dispose en fait d'une autorité exceptionnelle. Il impose ainsi, contre l'avis de beaucoup, le taux maximal de 17,50 % dans la dévaluation prévue par le plan Pinay. Gardée secrète (aucun ministre n'est au courant), cette dévaluation n'est annoncée que le 30 décembre, le lendemain de la fermeture de la Bourse. Mais des opérations heureuses et inattendues réalisées par certains financiers alimenteront des bruits persistants : des indiscrétions auraient "permis à des banques et des milieux proches des nouveaux princes, des spéculations et des bénéfices scandaleux (Raymond Aron, Figaro du 16 janvier 1959). Insinuations qui, sans doute, incitèrent Georges Pompidou, en 1961, à refuser le portefeuille des Finances (c'est Giscard d'Estaing qui en héritera).

Le 8 janvier 1959, il accompagne le Général de Gaulle, nouveau président de la République, qui se rend à) l'Elysée pour la cérémonie de passation des pouvoirs. Il se retrouve à la gauche du chef de l'État dans le trajet de retour, de l'Étoile au palais présidentiel. Comme convenu, il abandonne ses fonctions de directeur de cabinet. Dès lors, Pompidou reprend son poste à la banque Rothschild, avec désormais le titre officiel de Directeur général. Il devient, jusqu'en 1962, administrateur de la compagnie franco-africaine de recherches pétrolières (Francarep), de la Compagnie des chemins de fer du Nord, de la Société Rateau, de la Société de Gérance et d'Armement (SAGA), président de la société d'investissement des anciens chemins de fer du Nord, de la compagnie des chemins de fer du PO.

Le 20 février 1961, il se rend en secret à Lucerne avec Bruno de Leusse (du cabinet de Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes). Le 5 mars, il est à Neufchâtel. Le 30, un communiqué annonce l'ouverture des négociations qui vont être menées à Evian.

Le 23 avril, Pompidou insiste auprès de Brouillet pour que, dans la soirée, le Général de Gaulle prononce un discours radio-télévisé, après le coup de force militaire qui a lieu la veille en Algérie.

En janvier 1962, le Premier ministre, Michel Debré est prévenu par de Gaulle qu'il aura à laisser sa succession à Pompidou et met celui-ci dans la confidence : Pompidou n'est qu'à moitié surpris, car, à plusieurs reprises, de Gaulle lui a laissé entendre qu'il regrettait de ne pas l'avoir eu plus près de lui depuis le début de son septennat.

Le 14 avril 1962, à 18 heures, de Gaulle reçoit Georges Pompidou et le nomme Premier ministre. Le 15, à 13 h 30, Pompidou lui soumet la liste des membres de son gouvernement, pour qu'il les nomme. Le 16, il s'installe à Matignon. Mais, le 5 octobre 1962, l'Assemblée nationale vote une motion de censure adoptée par 280 voix (majorité absolue, 241). Le gouvernement Pompidou démissionne. Ce sera le seul gouvernement de la Ve République à avoir été renversé par une motion de censure. Le 7, de Gaulle dissout l'Assemblée nationale et refuse la démission de Pompidou, lui demandant d'assurer l'intérim.

La réforme de l'élection présidentielle


On ignore quand le Général de Gaulle est devenu partisan de l'élection du chef de l'État au suffrage universel. Il semble que jusqu'en 1958, il se méfiait d'un système inspiré des États-Unis et susceptible d'accroître l'emprise des partis sur la vie politique, en même temps qu'il ne faisait pas confiance aux électeurs pour opérer un choix aussi important. En outre, en 1958, la désignation du président au suffrage universel eût dépendu exagérément des électeurs de la Communauté et de l'Algérie. De Gaulle se serait finalement rallié à ce système lorsque les sondages lui auraient montré que le collège qui l'avait élu en 1958 s'apprêtait à lui donner Antoine Pinay pour successeur.

Bien que réticent envers le recours à l'article 11, Georges Pompidou défend devant les élus le nouveau système d'élection présidentielle au suffrage universel, soumis au référendum par de Gaulle.

Le 28 octobre 1962, le référendum pour l'élection du président de la République au suffrage universel est un vif succès pour de Gaulle et Pompidou : 62,25 % de "oui" contre 37,75 % de "non".

Georges Pompidou retrouve son poste de Premier ministre le 28 novembre, après les nouvelles élections législatives des 18 et 25 novembre 1962, qui suivent la dissolution de l'Assemblée nationale.

Pendant toute la période où Georges Pompidou occupe ses fonctions, il prend soin, conformément aux conceptions constitutionnelles du Général de Gaulle, de laisser le président dessiner les grandes orientations de la politique étrangère : le 22 janvier 1963 est signé à l'Elysée, dans le salon Murat, le traité de coopération franco-allemand, entre le Général de Gaulle et le chancelier allemand, Konrad Adenauer.

Le 27 janvier 1964, la France reconnaît la Chine communiste. En 1964 aussi, avec Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires Étrangères, Georges Pompidou visite du 6 au 11 avril, le Japon, du 7 au 10 juillet la Suède, et assiste du 25 au 30 juillet, à des essais nucléaires dans le Pacifique.

En mars 1965, Georges Pompidou est élu conseiller municipal de Carjac (Lot) où se trouve sa propriété 'les Travers de Prajoux". Le Lot, région traditionnellement radicale, était représentée au Conseil Général par Gaston Monnerville, président du Sénat, et à l'Assemblée Nationale par Maurice Faure, leader de l'opposition radicale. Pompidou, sollicité, refusa de se présenter aux élections départementales (bien qu'assuré d'enlever au profit de la majorité le siège de Monnerville). Il refusa aussi la mairie de Carjac.

Aux approches de l'élection présidentielle de 1965, Pompidou refuse de savoir s'il sera candidat dans le cas où de Gaulle ne se représenterait pas. Avant le 1er tour, il insiste auprès du Général, qui est resté jusqu'alors silencieux, pour qu'il intervienne à la radio-télévision. De Gaulle prononce le 30 novembre une allocution. Le 19 décembre 1965, de Gaulle est réélu président de la République.

Le 9 mars 1966, le Conseil des Ministres décide de retirer les Forces Françaises de l'OTAN.

A partir du 22 février 1967, Georges Pompidou entreprend un "tour de France électoral" ; il se rend notamment à Nantes, dans le Cantal (où il se présente), à deux reprises dans le Lot, dans le Jura et le Doubs, le Nord, à Rambouillet, Sens, Fontainebleau, Nevers, Grenoble.

Après les élections législatives des 5 et 12 mars 1967, où la droite garde de justesse la majorité absolue, Georges Pompidou souhaite rajeunir le ministère et élargir sa structure politique. Pompidou, qui a démissionné le 1er, est renommé Premier ministre le 6 avril 1967.

Le 22 mars 1968, à la Faculté de lettres de Nanterre, prend corps l'ébauche d'une insurrection étudiante (née de manifestations anti-américaines contre la guerre du Viêt-Nam) qui gagne bientôt Paris. Le 3 mai, la Sorbonne est évacuée à coups de grenades lacrymogènes. Le 6, la fermeture des facultés jette 50 000 étudiants dans la rue face à 20 000 CRS. Les premières barricades fleurissent dans le Quartier Latin. Dans la nuit du 10 mai, 60 barricades sont élevées, des arbres déracinés et des voiture brûlent. Le 15, l'Odéon est occupé. Le 16, les usines Renault se mettent en grève, puis la RATP et la SNCF. Le samedi matin, la France paralysée compte 2 millions de grévistes. Le lendemain, le Général de Gaulle précipite son retour de Bucarest et déclare : "la réforme oui, la chienlit non !". Le 25, Pompidou convoque patrons et syndicats pour négocier les accords de Grenelle. Le 29, de Gaulle disparaît. Après un périple à Baden-Baden pour s'assurer du soutien des troupes du Général Massu, il rentre, dissout l'Assemblée et annonce de nouvelles élections. Le même jour, un million de personnes défilent sur les Champs-Élysées pour le soutenir. Le 31, Georges Pompidou constitue un nouveau gouvernement.

Un mois plus tard, le parti gaulliste gagne largement les élections législatives des 23 et 30 juin 1968 (il bénéficie de la majorité absolue à l'Assemblée nationale). La grande peur de 68 s'éteint mais le souffle de liberté passé sur la France modifie profondément les esprits et favorisera à terme la modernisation du pays.

La crise de 1968 vint ébranler la République mais, depuis Matignon, Georges Pompidou la géra au quotidien, misa sur des mesures d'apaisement, engagea les négociations de Grenelle et préconisera de dissoudre l'Assemblée nationale pour trouver une sortie politique à la crise. Pourtant, le 10 juillet 1968, Georges Pompidou présente sa démission et de Gaulle l'accepte. Il sera remplacé par Maurice Couve de Murville.

Durant cette "traversée du désert", l'ancien Premier ministre se retrouve simple député du Cantal et organise ses bureaux boulevard de la Tour-Maubourg, toujours entouré de quelques proches collaborateurs. Georges Pompidou fut alors profondément blessé par l'affaire Markovic : il est l'objet d'une tentative de destabilisation à travers sa femme et la mort d'un "secrétaire " du comédien Alain Delon.

Le 17 janvier 1969, au cours d'un voyage à Rome, en réponse à une question du correspondant de l'AFP, Georges Pompidou déclare : "Si le Général de Gaulle venait à se retirer, je me porterais candidat à sa succession... Ce n'est, je crois, un mystère pour personne... mais je ne suis pas du tout pressé". Le 22 janvier, de Gaulle réplique, au conseil des Ministres : "J'ai le devoir et l'intention de remplir mon mandat jusqu'à son terme". La rivalité et la rupture éclatent ainsi en public. Pompidou a tenu , de son côté, à montrer que la campagne de calomnies dont il a été l'objet n'a nullement entamé sa détermination, et qu'il continue à s'estimer comme l'héritier présomptif pour la continuation du Régime.

Le 13 février, à la télévision suisse, Pompidou récidive : "Je ne crois pas avoir ce qu'on appelle un avenir politique. J'ai un passé politique. J'aurai peut-être, si Dieu le veut, un destin national, mais c'est autre chose. J'ai dit, le 1er novembre, que le Général de Gaulle est à l'Elysée et que son mandat expire en 1972. Il n'y a donc pas de problème de succession. Cela étant, il y aura bien un jour une élection à la présidence de la République". Le gouvernement interdit aux responsables de la télévision française de reproduire l'enregistrement de la déclaration, faite à Genève. Le soir, à l'Elysée, au cours d'un dîner en famille, de Gaule ne cache plus que tout lien se trouve rompu avec Pompidou.

Elections présidentielles de 1969


Circonstances : Le 2 avril 1969, de Gaulle annonce un référendum sur la réforme régionale et sur la réforme du Sénat. Il est fixé au 27 avril. Pompidou, qui ne croit pas au succès étant donné l'objet de la consultation, demande aux députés gaullistes de participer loyalement au combat qui va s'ouvrir. Le 27 avril, le "non" l'emporte par 41,67 % des inscrits ; il y a 36,69 % de "oui" et 19,42 % d'abstentions. Le 28 avril, à 00 h 11, un communiqué de De Gaule fait connaître qu'il cesse ses fonctions à partir de 12 heures.


    Candidats :


- Georges Pompidou (1911-1975) : Il fait annoncer sa candidature le 29 avril au matin. Le même jour, il fait parvenir au Général de Gaulle, à Colombey, une lettre dont il n' attend pas de réponse, et dans laquelle il explique les raisons et sa décision, sa volonté d'assurer la survie du gaullisme.

Il se présente comme la continuation du gaullisme, mais en même temps, il axe sa campagne sur "l'ouverture" en invitant les groupes qui siègent à l'Assemblée nationale à côté des députés de la majorité à en faire partie ; il se déclare également partisan de l'entrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun. Le 30 avril, de Gaulle répond au message de Pompidou : "J'approuve votre candidature. Sans doute eût-il mieux valu que vous ne l'ayez pas annoncée plusieurs semaines à l'avance, ce qui a fait perdre certaines voix au "oui"..." Il ajoute : " Il va de soi qu'au cours de la campagne... je ne me manifesterai d'aucune façon."

Georges Pompidou entreprend pendant 15 jours une tournée en province à bord d'une Mystère 20 aménagé en bureau (exigeant chaque jour une pause d'une heure pour le déjeuner qui doit être un vrai repas).

A la TV, il se présente comme le continuateur de l'ouvre du Général de Gaulle. Mais il refuse catégoriquement de se "ridiculiser" en parlant du projet de "nouvelle société" dont Chaban-Delmas lui a fait remettre un texte rédigé par Simon Nora.

- Gaston Deferre (1910-1986) : A l'occasion d'une réunion de groupe parlementaire de la fédération de gauche démocratique et socialiste qu'il préside, il annonce inopinément, le 29 avril, qu'il est candidat et confirme sa décision en fin d'après-midi devant le comité directeur de la SFIO qui se contente de l'enregistrer.

- Michel Rocard (né le 28 août 1930) : Inspecteur des Finances, député des Yvelines (octobre 1969 à mars 1973), secrétaire national du Parti socialiste unifié. Investi le 5 mai par le PSU dont il a été l'un des fondateurs en 1958, il se présente comme le candidat du socialisme.

- Jacques Duclos (1896-1975) : Sénateur communiste de la Seine-Saint-Denis. Sa candidature est annoncée le mardi 6 mai en fin d'après-midi. Il se présente comme le candidat d'union des forces ouvrières et démocratiques. Le 7 mai, la CGT déclare qu'elle ne soutiendra officiellement personne, se contentant de récuser tous les candidats de la gauche à l'exception de Jacques Duclos.

- Alain Krivine (né le 10 juillet 1942) : Diplômé d'études supérieures d'histoire. Désigné le 6 mai par la Ligue communiste, organisation trotskiste, issue de la "Révolution" de mai 1968, créée un mois plus tôt, il se présenta comme le candidat de ce groupement et de mai 1968.

- Alain Poher (né le 17 avril 1909 - décédé le 9 décembre 1996) : Maire d'Ablon, sénateur du Val-de-marne depuis 1968, président du Sénat depuis le 3 octobre 1968 et président de la République intérimaire. Il fait annoncer sa candidature le lundi soir, 12 mai. Le 14, dans une déclaration devant les groupes centristes du Sénat, il indique comment il conçoit le rôle du chef de l'État, qui doit être un garant, un arbitre, un animateur. Sa candidature provoque de violentes attaques du PSV et du Parti communiste. Il a le soutien des radicaux, du Centre National des indépendants et paysans dont le secrétaire général est, depuis 1962, Camille Laurens, du Centre démocrate de Lecanuet, d'Antoine Pinay, et du maire de Lyon, Louis Pradel (1906-1976).

- Louis Ducatel : Ingénieur, administrateur de sociétés, conseiller municipal de Paris (1945-1965), vice-président de cette Assemblée (1961-1962). Il est le dernier à faire acte de sa candidature.


Premier tour : 1er juin 1969


Inscrits : 29 513 361 Votants : 22 899 034 Abstentions : 6 614 327 (22,41 %) Bulletins blancs ou nuls : 295 036 Exprimés : 22 603 998


Ont obtenu :

Georges Pompidou 10 051 816 voix 44,46 %
Alain Poher 5 268 651 voix 23,31 %
Jacques Duclos 4 808 285 voix 21,27 %
Gaston Deferre 1 133 222 voix 5,01 %
Michel Rocard 516 471 voix 3,61 %
Louis Ducatel 286 447 voix 1,27 %
Alain Krivine 239 106 voix 1,06 %

Deuxième tour : 15 juin 1969


Inscrits : 29 500 334 Votants 20 311 287 Abstentions : 9 189 047 (31,14 %)

Bulletins blancs ou nuls : 1 303 798 Exprimés : 19 007 489

Ont obtenu :

Georges Pompidou 111 064 371 voix 58,21 %
Alain Poher 7 943 118 voix 41,78 %

Georges Pompidou est élu président de la République.

3) Le président de la République (1969-1974)


  Georges prend officiellement ses fonctio,ns le vendredi 20 juin à 11 heures. A l'Elysée, il est accueilli sur le perron par son concurrent malheureux, Alain Poher (avec lequel il entretiendra jusqu'à la fin des relations assez froides). Dans le salon des Ambassadeurs, il reçoit du grand chancelier, l'amiral Georges Cabarier (1908-1976), les insignes de grand-croix de la Légion d'Honneur. Dix minutes plus tard, dans la salle des fêtes, Gaston Paleswki, président du conseil Constitutionnel, proclame les résultats de l'élection, tandis que sont tirés 21 coups de canon. A 15 heures, Pompidou se rend à l'Arc de triomphe pour ranimer la flamme, puis à 16 heures, à la réception de l'hôtel de Ville, où le président du Conseil Municipal, Bernard Rocher lui remet la médaille d'or de la ville de Paris. Le même jour, le président de l'Assemblée Nationale, Jacques Chaban-Delmas (né le 7 mars 1914 et décédé en 2000) est nommé Premier Ministre.

En octobre 1970, Pompidou déclare à Alain Peyrefitte : "Le patron, c'est moi. Ce que le Général aura légué de meilleur à la France, c'est la prééminence du président... Je ne serai ni Mac-Mahon, ni Grévy. Je maintiendrai". Tout en conservant dans ses grandes lignes la politique du Général de Gaulle, Georges Pompidou lui donne une orientation plus européenne (mai 1971, accord sur l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, référendum sur la question européenne). Pragmatique, il accepte la dévaluation du franc, que de Gaulle avait refusée pour des raisons de prestige, car il cherche avant tout à faire de la France une grande puissance industrielle. Sous des dehors affables, il affirme la prééminence politique de sa fonction, estimant que la responsabilité fondamentale appartient au chef de l'État. Il arrête lui-même, avec le Premier Ministre, la liste des membres du gouvernement et étudie personnellement les nominations, même celles des secrétaires d'État. Dans le cabinet Chaban-Delmas en 1969, Duhamel, Fontanet, Guichard, Plever ont été choisis par lui.

En juillet 1972, il n'hésite pas à renvoyer son Premier Ministre Chaban-Delmas, malgré la large majorité que celui-ci vient d'obtenir à la Chambre et malgré un sondage révélant que 60 %¨des Français se déclarent satisfaits de lui (mais il avait des projets de "nouvelle société" que Pompidou trouvait inquiétants). En mars 1973, lors du remaniement du cabinet Messmer, le départ de Debré, Pleven et Schuman, procède de sa volonté, comme l'entrée de Poniatowski, Royer, Jobert et Druon.

Le secrétariat général de la présidence, créé par de Gaulle, renforce son emprise sur le gouvernement. Certains en ont déduit que la politique des ministres était dictée par les conseillers techniques ou les chargés de mission de l'Elysée (en particulier Pierre Juillet et Marie-France Garaud). La notion même de domaine réservé disparaît.

La politique internationale a toujours été la première des responsabilités des chefs d'État de la Ve République. L'Europe est alors en crise : elle ne progresse plus ; le Marché commun agricole risque de régresser faute de financement ; nos partenaires soumettent la consolidation de la construction européenne à l'entrée de la Grande-Bretagne. Georges Pompidou, convaincu que la prospérité de son pays et la possibilité pour la France de continuer à jouer un rôle dans le monde dépend de la réussite de l'Europe, renoue la négociation et a la chance d'avoir comme interlocuteur en tant que Premier ministre britannique, Edward Heath, fervent européen lui aussi. Il suscite, dès décembre 1969, le sommet européen de La Haye qui rétablit la concorde entre les six membres fondateurs de la Communauté européenne, définit les conditions de la négociation avec la Grande-Bretagne, amorce l'Union Économique et Monétaire et ébauche une coopération politique destinée à déboucher sur l'Union politique inscrite par les négociateurs dans leurs conclusions. Les 20 et 21 mai 1971, à Paris, Georges Pompidou et Edward Heath peuvent annoncer leur accord sur les conditions de l'élargissement, confirmé par la signature du traité le 22 janvier 1972 et le référendum du 23 avril 1972.

L'Europe peut ainsi repartir de l'avant et notamment l'entente franco-allemande qui reste un fondement essentiel dans la politique extérieure de la France et la base irremplaçable de la coopération européenne.

 

La réussite de l'Europe élargie nécessite aussi une bonne entente avec les dirigeants des États-Unis et de l'URSS. Le président de la République réserve aux États-Unis son premier voyage officiel à l'étranger, en mars 1970, où il exprime, dans une série de grands discours, ses vues à long terme sur le monde de ce temps, notamment à propos de l'évolution de la société, de l'organisation de l'économie et des échanges, de l'environnement, textes qui resteront la base de son action tout au long des cinq ans de son mandat présidentiel. Il rencontre encore à trois reprises le président Richard Nixon, notamment en décembre 1971, aux Açores, où ils fixent ensemble les grandes lignes d'une réorganisation monétaire mondiale, malheureusement sans résultat durable.

La France n'a pas, pour autant, renoncé à son indépendance vis-à-vis des États-Unis. Des divergences commerciales, monétaires, politiques (Proche-Orient, relations avec l'URSS) culminent avec la crise pétrolière de la fin de 1973 et le refus par la France d'un accord général des pays consommateurs de pétrole, en février 1974, à Washington.

Avec l'URSS, alors dirigée par Leonid Brejner, ainsi qu'avec les autres pays de l'Est, des relations étroites s'établissent aussi. Cinq rencontres ont lieu, en cinq années, entre Leonid Brejner et Georges Pompidou. Des relations indépendantes avec chacun des pays de l'Est se renforcent. La conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, à laquelle s'attache Georges Pompidou dès septembre 1969, permet de commencer à sortir de l'emprise des deux grands blocs pour déboucher, après la mort du président Pompidou, sur l'émancipation des États à leur égard. Au "condominium" des deux grands empires que craint Georges Pompidou, se substituent, progressivement, la détente et l'indépendance de tous les États d'Europe.

La France poursuit aussi sa coopération politique et économique avec tous les pays indépendants et, en priorité, avec ceux d'Afrique francophone.

Pour mener cette politique active avec des chances de succès, encore faut-il que la France soit forte et son économie en rapide progrès. Georges Pompidou privilégie donc la croissance dans la préparation du VIe plan. De 1968 à 1973, le volume de biens et services mis à la disposition des Français s'accroît de plus de 40 %. Et l'industrie fournit, chaque année, près de 100 000 emplois supplémentaires.

Le nombre des très grandes entreprises et celui des établissements de taille moyenne restent cependant insuffisants, comparés à ceux des principaux concurrents. Une politique pragmatique de regroupement et de restriction a pour objet d'y remédier.

Néanmoins, grâce à cette croissance rapide, des moyens importants peuvent être dégagés afin de développer les infrastructures de la France : 400 kms d'autoroutes supplémentaires sont mis en chantier chaque année, le retard du réseau téléphonique commence à se résorber, la décision de construire le premier TGV Paris-Lyon est prise et, à la suite de la crise pétrolière, un vaste programme de construction de centrales électronucléaires est lancé, ce qui donne ultérieurement à la France une indépendance énergétique sensiblement supérieure à celle de ses voisins.

Cet effort d'équipement s'élargit à une grande partie de l'Europe : ainsi, est adopté en 1973, à l'initiative de la France, un programme européen de lanceurs et satellites qui permet encore aujourd'hui à l'Europe d'être la première sur le marché mondial.

Les fruits de la croissance permettent aussi d'améliorer le cadre de vie et d'offrir à chacun des chances accrues d'épanouissement personnel.

La crise du logement est résorbée avec la construction de quelques 500 000 logements chaque année. Le budget de l'Éducation nationale dépasse désormais celui de la Défense. Un nouveau ministère, celui de l'environnement, est créé pour donner aux villes et aux campagnes de la France un visage plus accueillant.

L'agriculture, grâce aux débouchés du Marché commun et à une politique différenciée selon les régions, maintient en vie la plus grande partie de la France rurale. Et une politique ambitieuse de la Culture est conduite, symbolisée par le Centre qui porte aujourd'hui le nom du Président, mais imprégnant toutes les activités de l'esprit et des arts.

En matière sociale aussi, un effort sans précédent est mené pour diminuer les inégalités et réduire les injustices par la loi et la politique contractuelle : mensualisation des ouvriers, nouvelle loi sur le salaire minimum (le SMIC, créé en 1970), actionnariat des salariés, extension de la formation professionnelle, accroissement et aménagement des retraites, renouveau de la politique familiale et des aides personnelles au logement, préparation d'une loi sur les handicapés.

4) Fin de sa vie


En mai 1968, Georges Pompidou avait dû être traité par des vitamines et des corticoïdes. En août 1972, peu avant que ses médecins aient diagnostiqué la maladie dont il est atteint, il rédige son testament alors qu'il se trouve en vacances au fort de Brégançon. Dès cette époque, l'opinion est alertée par l'aspect physique du président, la bouffissure de son visage, l'enflure de son cou, l'alourdissement de sa silhouette. Il est soigné par des doses massives de cortisone, étant atteint d'une affection voisine de la leucémie (maladie de Kahler ; on parle aussi de maladie de Waldenström). Le 6 décembre, il ne fait qu'une apparition à l'arbre de Noël traditionnel de l'Elysée, prétextant une "grippe". Le 3 janvier 1973, contrairement à l'usage, il reçoit assis les voux des journalistes à l'Elysée. Le 15 février, souffrant, il ne peut pas présider le Conseil des ministres. Le 24 mai, Georges Pompidou renonce à inaugurer le Salon du Bourget et annule la réception prévue pour la fête des Mères. Le 31 mai, au cours de son entrevue avec Nixon à Reykjvik, Pompidou apparaît totalement épuisé. En URSS (début 1974), il souffre d'hémorragies anales si abondantes que toutes ses entrevues avec les dirigeants sont annulées. Les communiqués à l'Elysée s'obstinent pourtant à parler de "grippes à rechutes" et à signaler des ennuis bénins, que l'on désigne (par périphrases) comme des hémorroïdes. Mais le personnel politique sait que Georges Pompidou est condamné. Il se cramponne à son poste, bien que sa maladie se traduise par un mélange d'irritabilité et de laisser-aller, préjudiciable aux affaires politiques (on attribue notamment le pourrissement de l'affaire Lip à des sautes d'humeur de Pompidou). Le 29 mars 1974, il reçoit le premier ambassadeur de la RDA à l'Elysée, puis regagne son domicile, quai de Béthune.

Le 1er avril, il ne rencontre pas le Premier ministre comme convenu. Le 21, on apprend que le Conseil des ministres du lendemain est reporté à l'après-midi et que l'audience prévue à 16 h 30 avec le président du Rwanda est annulée. A 18 h 30, communiqué annonçant que le chef de l'État annule tous ses rendez-vous pour les jours qui viennent, Messmer devant présider le Conseil des ministres. A 21 h 58, un flash de l'Agence France-presse annonce la mort du Président Georges Pompidou (à 21 heures). A 22 h 05, communiqué officiel du Secrétariat général de l'Elysée.

En 1974, le pays sait que la présidence de la République ne durera pas sept ans ; il est pourtant surpris par la mort de Pompidou que les médecins eux-même n'attendaient pas si vite.

Conformément à ses dernières volontés et en accord avec la famille Pompidou, ses obsèques sont célébrées le jeudi 4 avril dans la paroisse de son domicile parisien, en la seule présence de sa famille, des membres du Gouvernement et de ses proches collaborateurs (Valéry Giscard d'Estaing est le seul ministre à communier à cette messe). Son inhumation a lieu le même jour dans la plus stricte intimité à Orvilliers (Yvelines) où il possédait une maison de campagne.


A Mouvaux le jeudi 1er janvier 2004 à 23 h 00

Benjamin HUS

SOURCES :

" Quid des présidents de la République... et des candidats"

" Histoire des présidents" de Georges et Janine Hémeret, éditions EDL

"Association Georges Pompidou"