Sa biographie

(Ajaccio, Corse, 1769- Longwood, Sainte-Hélène, 1821)

V - L'Aigle baisse la tête

1) La première abdication

En 1811, l'Empire semble donc à son apogée. Pourtant, au milieu de tant de gloires, un sourd malaise se fait en effet sentir. Les levées d'hommes deviennent plus difficiles, le Blocus heurte beaucoup d'intérêts matériels (ce qui conduit à deux grandes crises économiques), la rente est basse, le conflit avec le Pape, prisonnier à Savonne, inquiète les catholiques, les rois nommés par Napoléon manifestent des velléités et indépendance. Mais surtout, l'alliance russe se disloque et une nouvelle guerre menace....

L'Empereur ne le désire pas. En l'entend murmurer : "Comment tout cela finira-t-il ?".

Voici plus de cinq que Napoléon et le Tsar, réunis sur le radeau du Tilsit, se sont jurés amitié et paix éternelles ; mais depuis, la situation s'est lentement dégradée, jusqu'à la reprises des hostilités. La responsabilité de cette détérioration graduelle est partagée. Il est certain en tout cas, qu'Alexandre supporte de plus en plus mal le Blocus, qui ruine ses marchands, ainsi que la présence des Français en Allemagne. La diplomatie et l'or anglais ont fait le reste. Napoléon ne peut tolérer la violation des accords signés ; en plus, il soupçonne la Russie de vouloir s'approprier le Grand-Duché de Varsovie et de songer en secret à s'étendre en Turquie. Des deux côtés, on se prépare à la guerre dès 1811, mais c'est Napoléon qui entame les hostilités.

Le 24 juin 1812, la Grande Armée franchit le Niémen : les dés sont jetés. Narbonne, l'ancien ministre de Louis XVI, que l'Empereur apprécie beaucoup, l'a pourtant supplié : "Sire, ne conduisez pas au fond de la Russie cette merveilleuse fortune de la France...". Mais Napoléon veut aller jusqu'au bout et contraindre le Tsar à jeter l'éponge. Dans des conditions difficiles, la Grande Armée s'est enfoncée en Russie : les effectifs de cette armée composée des Français et de tous les alliés de la France (Autriche, Prusse, Italie, Naples, Pologne, etc...) soit 550000 hommes ont diminué de moitié, l'adversaire reste insaisissable, et la manœuvre de Smolensk a échoué.

Pourtant, les Ruses décident finalement de combattre à Borodino (ou Moskova), dirigés par le maréchal Kutuzov. Les pertes des deux côtés sont innombrables. Napoléon y concentre toutes les forces impériales et commet une grave erreur, celle de ne pas poursuivre les dernières troupes afin de remporter la victoire décisive. Aussi, le bilan est catastrophique : hormis les nombreuses pertes, l'adversaire russe court toujours. Le 7 septembre reste l'une des dates les plus sombres de l'Empire napoléonien.

Le 14 septembre 1812, Napoléon pénètre à Moscou, mais l'incendie criminel qui ravage la ville détruit le ravitaillement des troupes et l'oblige à quitter le plus vite Moscou, pour entamer une retraite. Du 18 octobre au 13 décembre, c'est la tragique retraite, favorisée par un hiver rude et précoce. L'armée, encore impressionnante au début (100000 hommes et plus de 500 canons), suivie par un flot de traînards et de voitures chargées de butin, fond sous le froid, la faim et les harcèlements incessants des Ruses qui suivent à distance.

Quelques milliers d'hommes en armées repasseront le Niémen, le 5 décembre, Napoléon quitte l'armée, les mauvaises réactions à cet échec et la situation politique exige sa présence à Paris. La guerre d'Espagne a sué l'armée, la campagne de Russie l'a détruite.

La Grande-Armée est morte, engloutie dans la neige et le sang. laissant les derniers débris de son armée rentrer de Russie, l'Empereur file sur Paris raffermir son trôner et former de nouvelles troupes pour faire face à la grande coalition qui se prépare. Devant ce désastre, les unités prussiennes et autrichiennes de l'armée napoléonienne font défection, animés par la certitude de tenir la grande revanche attendue depuis si longtemps. Dès la fin avril 1813, Napoléon, inlassable, dispose de 235000 soldats, habillés, armés et en mesure de reparaître au cœur de l'Allemagne. Et ce sont les victoires de Lützen devant Leipzig (le 2 mai 1813) et de Bautzen ( le 20 mai) à l'Est de Dresde, qui amènent les coalisés à demander un armistice, signé le 4 juin à Pleiswitz. Mais ils ne cherchent en réalité qu'à parfaire leurs armements. Ils veulent la guerre jusqu'au bout : l'Europe ne saurait être tranquille tant que Napoléon restera sur son trône. De plus, Napoléon apprend que Joseph a été battu à Victoria et qu'il a été obligé de fuir la péninsule Ibérique, le 21 juin 1813.

Le 12 Août 1813, l'Autriche déclare la guerre à la France. Mais rien ne se passe avant le 16 octobre. Entre le 16 et 18 octobre a lieu la "bataille des Nations" : Leipzig. D'un côté les Coalisés (Autrichiens, Russes, Prussiens, Suédois) avec plus de 250000 hommes, de l'autre Napoléon Ier, disposant d'environ 134000 soldats, la plus grande des batailles des guerres napoléoniennes est une série d'affrontements sanglants autour de la ville de Leipzig, à l'issue desquels Napoléon ne peut vaincre les alliés qui ont fini par accomplir leur jonction.

Napoléon rentre en France avec 70000 soldats et 40000 traînard, abandonnant l'Allemagne napoléonienne : c'est la campagne de France (1814). Dès la défaite de Leipzig, la France est envahie. malgré les désertions, Napoléon parvient à lever encore 60000 hommes.

Cette campagne perdue d'avance est considérée comme l'une des plus habiles livrées par Napoléon. C'est l'apogée du génie militaire de l'Empereur. Ainsi qu'il l'avait fait en 1796, Napoléon utilise sa position centrale pour attaquer l'une après l'autre les armées alliées qui convergent vers paris. Il remporte quelques victoires (Brienne, 29 janvier 1814, Montmirail, 11 février, Montereau, le 18, etc...) mais ne peut, évidemment, empêcher leurs forces supérieures de menacer Paris.

En Février 1814, Napoléon et son État-major, parmi lequel figurent les maréchaux Berthier et Ney, chevauchent vers une nouvelle bataille. Bien que l'empereur ait recouvré la plupart de ses moyens intellectuels, et q'il puisse compter sur la vaillance des vétérans comme des jeunes recrues de son armée, les "Marie-Louise", il affronte un adversaire trop puissant et sa campagne pour la défense de la France est perdue d'avance.

C'est Marmont qui, le 30 mars 1814, livre sur la butte Montmartre le dernier combat pour défendre la capitale contre les troupes autro-prussiennes. La bataille est sans espoir ; le 31 mars, à 2 heures du matin, le maréchal signe un armistice et retire ses troupes au Sud de Paris.

Pendant que Marmont est vaincu sur la butte Montmartre, le général Moncey et les troupes de la garde Nationale opposent une résistance aussi héroïque qu'inutile à la porte de Clichy, au cours de l'après-midi du 30 mars.

Paris occupé, le Sénat prononce la déchéance de Napoléon, le 2 avril 1814. Dès le 4, les maréchaux et généraux de Napoléon refusent de se battre. L'Empereur ne peut plus rien faire. Il abdique le 6 avril, sans conditions.

Les alliés ne veulent plus de Napoléon en Europe, mais l'autorisent à partir pour l'île d'Elbe où il dirigera cette petite principauté de 12000 habitants.

Le 20 avril, il fait ses adieux à ses fidèles, à Fontainebleau, Napoléon arrive sur l'île le 4 mai.

Mouchoir de poche dans la mer Tyrrhénienne, à quelques encablures de Piombino, ville à laquelle elle est reliée par une navette, l'île d'Elbe est une agréable résidence pour Napoléon. Là-bas, l'Empereur y possède son drapeau où figurent les abeilles, son gouvernement où domine Bertrand, ministre de l'Intérieur, et il y amorce une vie politique où les complots pour le retour tiennent vite la place la plus importante. La fidèle Marie Walewska vient même en visite discrète avec son fils Alexandre. Seule Marie-Louise e viendra jamais, privant Napoléon de son fils, le roi de Rome.

Mais l'Empereur ne tarde pas à trouver son île bien étroite. Napoléon est à l'écoute de tous les bruits qui lui arrivent de France. Il voit le fragile régime du roi Louis XVIII accumuler les fautes et l'impopularité grandir.

Le 26 février 1815,; Napoléon s'échappe de l'île d'Elbe et débarque à Golfe-Juan le 1er Mars.

2) Les Cents-Jours : de clocher en clocher

Mythe dans le mythe, l'épopée du "Vol de l'Aigle", revenu de l'île d'Elbe, débarqué à Golfe-Juan le 1er Mars 1815, de retour à Paris trois semaines plus tard, jusqu'à l'écrasement à Waterloo, a marqué profondément la génération romantique, comme Alexandre Dumas (cf le Compte de Monte-christo, 1845).

En effet, Napoléon retrouve les Tuileries à peine quittées par Louis XVIII qui doit "recommencer à voyager". L'Empereur rallie à lui un bon nombre d'officiers et de fonctionnaires dont certains avaient été chargés de l'arrêter (Ney, qui avait promis au roi de lui ramener l'usurpateur "dans une cage de fer", paiera de sa vie ce revirement). Pas un coup de fusil n'a été tiré pour défendre les Bourbons, pas une goutte de sang n'a été versée pour le rétablissement de l'Empire. Celui-ci se libéralise.

Mais le sort des armes est inéluctable : les coalisés européens ne souhaitent pas cette réélection de Napoléon. Ils le déclare,nt hors-la-loi. Une septième coalition est formée pour renverser Napoléon et rétablir le roi.

A Vienne, avant de se séparer, les puissance contre lui s'engagent à lui faire la guerre et établissent un traité d'alliance, qui sera même signé par Talleyrand.

En mai 1815, Napoléon dispose d'une armée active de 290000 soldats. Il lui faut garnir les frontières, mais aussi la Vendée qui se soulève ; face à la Belgique où se trouvent les "Anglo-Hollando-Prussiens", il met en place l'armée du Nord et la Garde, ainsi qu'une réserve de cavalerie, soit au total 124000 hommes. Les alliés sont répartis en trois groupes : l'un, à droite, en Belgique, l'autre, austro-russe, au centre, derrière le Rhin et, à gauche, l'armée autrichienne qui tient aussi l'Italie.

L'aile droite, stationnée en Belgique, comprend l'armée des Pays-Bas sous les ordres de Wellington, 46 ans, héros de guerre de la Péninsule, soit 80000 hommes. Le 12 juin, Napoléon quitte Paris pour la Belgique. le 16, Napoléon bat l'armée de Blücher à Ligny.

Le 18 juin, Wellington choisit le terrain où il veut amener les français à se battre, à Waterloo. Napoléon, qui n'a jamais eu encore l'occasion de se mesurer à lui, ne connaît pas sa tactique, qu'il a mise au point en Espagne.

Alors que Napoléon est sur le point de vaincre l'armée de Wellington, Blücher et toute l'armée prussienne viennent renforcer les rangs des coalisés. Il pense toujours que le Général Grouchy est à Wavre et retient les trois autres corps de Blücher. Napoléon est vaincu. Il abdique pour la seconde fois, le 22 juin 1815.

3) L'exil de Sainte-Hélène

"Sainte-Hélène, petite île", écrivait Napoléon Bonaparte sur ses cahiers de collégien à Brienne. Possession anglaise dans l'Atlantique sud sous un climat étouffant, le site (10 km sur 17) est bien éloigné du petit paradis qu'est l'île d'Elbe. Napoléon y débarque après une traversée effectuée sur le Northumberland, le 17 octobre 1815. Napoléon ne s'attendait pas à débarquer sur ce "rocher". Sa demeure, Longwood House, petite et mal conçue, abritera les dernières années de sa vie durant lesquelles, grossi et malade, il se promène en costume et chapeau de jardinier sous l'œil de ses gardien, officiers britanniques. Les compagnons de malheur sont, autour de lui, le comte Bertrand et sa famille, le général de Montholon, ancien chambellan de Joséphine, avec femme et enfant, le baron Gourgaud, héros de la campagne de Russie, fait général à Waterloo. S'adjoint à eux, le comte Emmanuel Las Cases, qui rédige sous la dictée de Napoléon le Mémorial de Sainte-Hélène, immense succès dès sa parution en 1823, fondement de la légende napoléonienne. Celui que les Anglais affectent de nommer "Général Bonaparte" instaure une vie de cour où l'ennui n'est dissipé que par des promenades et des lectures. A partir de 1816, Sir Hudson Lowe devient gouverneur de l'île et applique des consignes de plus en plus rigoureuses. Les fidèles regagnent peu à peu la France, à quelques exceptions près. La maladie de l'estomac qui vraisemblablement tourmente Napoléon depuis longtemps fait des progrès rapides. Le 12 Avril 1820, Napoléon dicte son testament à Montholon.

L'empereur s'éteint le 5 mai 1821, à 17h49. Son médecin, Antommarchi, effectue un moulage de son visage qui a repris la maigreur des temps héroïques...


Sa dépouille est inhumée le 9 dans la "vallée des géraniums", où elle reposera jusqu'au retour des cendres, en décembre 1840, et la translation aux Invalides.

A Mouvaux, le dimanche 23 Novembre 2003

Benjamin HUS

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