L’Europe domine le monde
XIXe Siècle

V- STRUCTURES POLITIQUES ET REFORMES SOCIALES

1) Les structures politiques

  A la fin du XIXe Siècle, les nationalismes aidant, la plupart des Européens sont soumis à l’autorité, non plus des monarques absolus, mais de souverains constitutionnels ou de présidents républicains. En France, pendant la IIIe République, le Cabinet des ministres est responsable devant le Sénat et la Chambre des députés, élue pour quatre ans au suffrage universel masculin. Les membres de la Chambre et du Sénat élisent un président pour un mandant de sept ans. Dans le royaume d’Italie, seul le Piémont a une tradition parlementaire, et peu d’Italiens bénéficient du droit de vote. La Grande-Bretagne est un monarchie constitutionnelle et possède un système parlementaire. Dans l’empire allemand, le chancelier et les ministres sont nommés et destitués par le Kaiser (c’est-à-dire l’Empereur) ; ils relèvent de lui et non des institutions parlementaires (le Reichstag et le Bundersrat).

Malgré la domination des partis politiques de droite (conservateurs) et du centre (libéraux à tendance de droite ou de gauche), de nouveaux partis font leur apparition à la fin du siècle. En Allemagne apparaît un parti catholique qui devient ultérieurement le parti prédominant dans la coalition avec les conservateurs. Au Royaume-Uni, le problème de l’Irlande constitue la pierre angulaire des politiciens ; un mouvement indépendantiste irlandais émerge, demandant l’adoption du « Home Rule » (c’est-à-dire l’autonomie irlandaise), l’abolition de l’Acte d’Union et l’institution d’un parlement irlandais.

 

Karl Marx, réfugié à Londres, analyse les mécanismes économiques du capitalisme anglais et fonde ainsi un socialisme qui se veit scientifique et dont l’influence sera considérable. Il rédige le Manifeste du parti communiste avec l’aide de Friedrich Engels (1848) et publie Le Capital (1867). L’Association internationale des travailleurs (la Ire Internationale, 1864-1872) repose en partie sur l’œuvre de Marx.

 

Parallèlement, des partis socialistes se forment en Europe. En Allemagne, le parti ouvrier fondé en 1869 par August Bebel donne naissance, en 1875, au parti social-démocrate. A partir des années 1880, des partis sociaux-démocrates, fondés sur le modèle allemand, se créent en Belgique, en Autriche, en Hongrie, en Pologne, en Hollande et en Russie. En Grande-Bretagne, le parti travailliste indépendant est créé en 1893. En 1900, ce parti s’associe aux syndicats. La social-démocratie prend également de l’importance en Scandinavie où son développement est étroitement lié aux mouvements syndicalistes. En Italie, en dépit de la résistance qui leur est opposée, les socialistes obtiennent une augmentation du nombre de leurs sièges au parlement. En France, le socialisme a du mal à se remettre de l’écrasement de la Commune de Paris en 1871. Les socialismes utopiques ne lui survivent pas. Mais le socialisme reste divisé en multiples courants que Jean Jaurès cherche à rassembler. Socialiste humaniste dans la tradition de la Révolution française, il défend la paix internationale.

C’est aussi à la sauver que s’attachent les derniers congrès de la IIe Internationale fondée à Paris en 1889 par les partis socialistes non révolutionnaires parmi lesquels les partis sociaux-démocrates allemand et russe sont les plus influents. Lors des Congrès socialistes internationaux, les problèmes d’ensemble de la société industrialisée sont débattus. Le 1er mai est institué Journée internationale du travail. La coopération européenne a également renforcé le mouvement des ouvriers : le Bureau international du travail, dont le siège est à Bruxelles, est créé en 1900.

Malgré une forte opposition de la part des employeurs, les syndicats sont peu à peu reconnus comme les vrais représentants des ouvriers. Entre 1870 et 1900 (1906 en Russie), un statut légal leur est accordé. Les premiers groupes à s’organiser sont les ouvriers qualifiés. D’importantes grèves, comme celles des dockers à Londres et des mineurs de la Ruhr en 1889, renforcent l’action syndicale. En Grande-Bretagne et en Allemagne, les syndicats militent politiquement pour l’édification d’une société socialiste. Dans certains pays, comme en Italie et en Allemagne, des ouvriers catholiques, désirant se démarquer des socialistes, forment des syndicats apolitiques. Mais partout, en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède, les syndicats et les partis ouvriers ont acquis un poids dans la vie politique et les gouvernements doivent accéder à leurs demandes pour une amélioration des conditions de travail.

2) Les réformes sociales

 Dans les dernières années du XIXe Siècle, des réformes veulent éliminer les effets néfastes de l’industrialisation, notamment l’exploitation des enfants dans les usines et les ateliers. Tous les pays d’Europe, à l’exception de la Russie et pays balkaniques, votent des lois régissant la durée de la journée de travail, les conditions de travail et les règles de sécurité pour la protection des ouvriers. Néanmoins, le travail des enfants ne disparaît totalement. Beaucoup d’ouvriers travaillent encore dans des conditions insalubres et souvent dangereuses et la journée de travail excède souvent dix heures. Les gouvernements et les réformateurs se sentent également concernés par le problème de la santé publique et du logement.

 

Ainsi, dans les années 1860, le baron Haussmann réalise un ambitieux projet d’assainissement à Paris, mettant entre autre au point un réseau d’égouts et d’adduction d’eau : des quartiers entiers sont démolis et donnent une nouvelle splendeur à la ville. Ce modèle sera imité ailleurs, à Bruxelles par exemple. En Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, les réformateurs se battent pour la nationalisation des propriétés terriennes, pour une inspection des logements par l’Etat, pour l’élaboration de règlements d’urbanisme, etc. En France, un nombre croissant de logements sont assurés par les municipalités ou des sociétés coopératives. En Allemagne, dans certaines villes, dont Hambourg, l’aménagement des quartiers insalubres est pratiqué à grande échelle ; de nombreux logements sont construits par des sociétés coopératives ou fournis par les entreprises. En Grande-Bretagne, des industriels philanthropes construisent des « villes modèles » pour leurs ouvriers. En 1887, dans l’East End de Londres, les Rothschild Buildings sont peuplés en majorité d’émigrants juifs ayant échappé aux persécutions perpétrées en Europe de l’Est. Les habitations du nord-ouest de l’Europe diffèrent beaucoup du reste de l’Europe. La Grande-Bretagne, la Belgique et la Hollande préfèrent des petites maisons familiales ; les pays du Sud, les immeubles collectifs. Même si les réformes appliquées ont parfois du succès, tous les problèmes n’en sont pas pour autant résolus. De nombreuses familles sont logées dans des habitations inconfortables, et souvent leurs maigres revenus ne suffisent pas à l’achat de nourriture et de vêtements.

Dans la plupart des pays européens, l’Etat commence à prendre en charge la lutte contre la pauvreté. L’Allemagne est la première à adopter des lois sociales après 1880 où elle rend les assurances vieillesse et maladie obligatoires et instaure la pension vieillesse. En Grande-Bretagne, un régime de retraite est instauré en 1909 et l’assurance santé et chômage devient obligatoire en 1911. Dans la majorité des pays d’Europe occidentale, un nombre croissant d’Européens estime qu’il incombe aux gouvernements de s’occuper du bien-être social des citoyens, mais les retraites et les assurances maladie mises au point n’offrent qu’une protection réduite.

3) L’évolution du statut de la femme

  Comme aux siècles précédents, les hommes dominent la société européenne. La fonction de la femme reste le mariage, la maternité et l’éducation des enfants. Ses droits sont limités. La religion et les coutumes ne l’encouragent pas à poursuivre une carrière professionnelle ou à demander l’égalité avec les hommes. Mais, à la fin du XIXe Siècle, les femmes voient leur espérance de vie s’allonger, et, le nombre d’années passées en couches ou à élever leurs enfants diminue. Sur le plan légal, le statut de la femme s’améliore. En Grande-Bretagne, les femmes mariées ont désormais des droits sur leur propriété.

 

Les nouveaux métiers de bureau (secrétaire, téléphoniste), le développement des grands magasins (vendeuses) offrent de nouvelles possibilités d’emplois. De plus en plus de femmes acquièrent les qualifications nécessaires aux différents métiers : en Hollande, la première femme médecin commence à exercer en 1870 ; en France, la première avocate, en 1903. Parmi les plus célèbres professionnelles, citons l’éducatrice Maria Montessori, la physicienne Marie Curie et l’infirmière Florence Nightingale.

Dans l’éducation les perspectives d’emploi pour les femmes augmentent. En Grande-Bretagne, grâce au Girl’s Public Day School Trust (fondé en 1871), les filles d’un plus grand nombre de familles aisées peuvent bénéficier d’une meilleure instruction. En France, le premier lycée de jeunes filles ouvre ses portes en 1884 à Montpellier. En Allemagne, les filles fréquentent les établissements d’Etat à partir de 1894. En 1867, l’université de Zurich admet des femmes parmi ses étudiants. Son exemple est bientôt suivi à Paris, en Suède et en Finlande.

Dans de nombreux pays européens naissent des mouvements féministes qui réclament l’obtention du droit de vote pour les femmes. La Finlande le leur accorde en 1906, la Norvège en 1913. En Grande-Bretagne, les suffragettes fondent l’Union sociale et politique des femmes. Les socialistes français pensent que l’émancipation de la classe ouvrière passe avant celle de la femme, les autres partis l’excluent totalement.

 VI- LES MOUVEMENTS CULTURELS AU XIXe SIECLE

  A partir de la fin du XVIIIe Siècle, les bouleversement économiques et sociaux s’accompagnent d’une effervescence d’idées nouvelles et de changements dans les arts expressifs et visuels, ainsi que dans le monde du spectacle. Ce courant d’idées a été largement nourri par les nouvelles perceptions des philosophes tels que Hegel, Marx..., alors que des progrès ont été faits en sociologie grâce aux travaux de Comte et de Durkheim. A la même époque, la théorie de la sélection naturelle développée par Darwin remet en cause l’interprétation littérale de l’Ancien Testament. Un peu plus tard, la théorie de l’évolution de Spencer s’élargit à la totalité de la connaissance humaine. Des développements dans les domaines de l’anthropologie et l’archéologie contribuent à transformer radicalement l’étude de l’Histoire. Ainsi, dans leurs travaux, Buckle et von Ranke tentent d’aborder le sujet d’une manière plus objective.

1) Romantisme et réalisme

Le tournant du XIXe Siècle est marqué par les mouvements opposés, voire conflictuels, que sont le néo-classicisme et le romantisme. Les romantiques placent l’imagination individuelle et les émotions au-delà de la société. Parmi les premières manifestations du mouvement romantique on peut citer les oeuvres des allemands Goethe et Schiller, ainsi que la poésie lyrique des anglais Wordsworth et Keats. Dans le domaine musical, la transition du classicisme au romantisme transparaît notamment dans les oeuvres de Beethoven, qui dans sa Neuvième symphonie, met en musique l’Hymne à la Joie de Schiller, aujourd’hui « hymne européen ».

Les mouvements politiques visant à obtenir l’indépendance nationale inspirent nombre de poètes et de peintres romantiques. Le compositeur italien Verdi devient, grâce à ses opéras, un héros du Risorgimento. Ce courant influence également, sous bien des aspects, le roman, forme littéraire dominante au XIXe Siècle, comme en témoignent le roman gothique de Mary Shelley, Frankenstein, ainsi que les oeuvres de Walter Scott, Alessandro Manzoni, Alfred de Vigny, Victor Hugo et George Sand. Mais le romantisme transparaît également dans la littérature historique, notamment chez Michelet et Thomas Carlyle.

Alors que certains artistes évoluent avec cette aisance dans la nouvelle ère industrielle, d’autres rêvent d’un retour à une âge pré-industriel idéalisé. En Angleterre, par exemple, les peintres et poètes de la confrérie des pré-raphaélites imitent les peintres italiens antérieures à Raphaël. Dans le domaine de l’architecture, le XIXe Siècle adopte le style néo-gothique et surtout la construction associe désormais la fonte à la pierre et au verre. De grands bâtiments préfabriqués dans les usines anglaises, françaises ou allemandes sont exportés à travers le monde, notamment en Inde, en Indochine, au Brésil...

Vers la fin des années 1830, le conflit entre néo-classicisme et romantisme commence à céder la place à l’interrogation sur la valeur sociale de l’art. On veut représenter le monde « tel qu’il est ». Ces préoccupations se reflètent dans les romans « réformateurs » de Charles Dickens et Benjamin Disraeli, dans les panoramas sociaux de Balzac et dans le réalisme objectif de Flaubert. En France, les peintres de l’école de Barbizon représentent des scènes de la vie contemporaine. L’expression du réalisme en littérature et dans les arts coïncide avec l’avènement de la photographie moderne qui se développe grâce aux travaux de Nieppe, Fox Talbot et Daguerre.

Puis à son tour, le théâtre européen connaît l’émergence d’un nouveau réalisme social et psychologique qui marque les oeuvres de Isben, Bjornson, Strindberg et Tchekhov. Le roman de cette époque est aussi marqué par le réalisme psychologique de Dostoïevski, ainsi que par le réalisme symbolique et le naturalisme de Zola.

2) Impressionnisme, post-impressionnisme, futurisme et Art nouveau

Peinture réaliste de paysages, apparition de la photographie et introduction des estampes japonaise en Europe sont autant de facteurs qui ont contribué à préparer l’avènement de l’impressionnisme, mouvement cherchant à exprimer l’impression instantanée suscitée par des scènes momentanées, des surfaces visuelles et des espaces, dissous dans la lumière et les couleurs.

Durant les années 1880, certains artistes dont Cézanne, Van Gogh et Gauguin, dans un mouvement de réaction contre l’impressionnisme, tentent un retour à des formes, des compositions et des sujets plus permanents. Plus tard, les cubistes mettent en valeur forme et espace en ayant recours à des arrangements sculpturaux fragmentés de plans transparents se recouvrant partiellement. Quant aux futuristes, ils prônent l’absence de tradition dans l’art, la poésie et le roman, et glorifient l’âge de la machine et son dynamisme. Mouvement à part, l’Art nouveau est caractérisé notamment par l’usage de formes exotiques, fait des adeptes dans tous les domaines artistiques et rallie aussi bien des illustrateurs de livres, que des architectes, des sculpteurs et des architectes d’intérieur.

 

 

A Mouvaux le samedi 14 août 2004,

Benjamin HUS

SOURCES : Histoire de l’Europe par 14 historiens, Hachette Editions

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