Les grands discours du Général de Gaulle, Partie2

La crise d'Algérie a précipité le retour au pouvoir de Charles de Gaulle. Appelé par le président Coty, "le plus illustre des Français" s'exprime à nouveau sur les évènements actuels, le 27 mai 1958.

J'ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l'établissement d'un gouvernement républicain capable d'assurer l'unité et l'indépendance du Pays.

Je compte que ce processus va se poursuivre et que le Pays fera voir, par son calme et sa dignité, qu'il souhaite le voir aboutir.

Dans ces conditions, toute action, de quelque côté qu'elle vienne, qui met en cause l'ordre public, risque d'avoir de graves conséquences. Tout en faisant la part des circonstances, je ne saurais l'approuver.

J'attends des forces terrestres, navales et aériennes présentes en Algérie qu'elles demeurent exemplaires, sous les ordres de leurs chefs: le général Salan, l'amiral Auboyneau, le général Jouhaud. A ces chefs, j'exprime ma confiance et mon intention de prendre incessamment contact avec eux.

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Le 4 septembre 1958, jour anniversaire de la proclamation de la République en 1870, Charles de Gaulle présente, place de la République, devant une foule enthousiaste son projet de Constitution, qui sera proposé par référendum très bientôt...

C'est en un temps où il lui fallait se réformer ou se briser que notre peuple, pour la première fois, recourut à la République. Jusqu'alors, au long des siècles, l'Ancien régime avait réalisé l'unité et maintenu l'intégrité de la France. Mais, tandis qu'une immense vague de fond se formait dans les profondeurs, il se montrait hors d'état de s'adapter à un monde nouveau. C'est alors, qu'au milieu de la tourmente nationale et de la guerre étrangère, apparut la République. Elle était la souveraineté du peuple, l'appel de la liberté, l'espérance de la justice. Elle devait rester cela à travers les péripéties agitées de son histoire. Aujourd'hui, autant que jamais, nous voulons qu'elle le demeure.

Certes, la République a revêtu des formes diverses au cours de ses règnes successifs. En 1792, on la vit révolutionnaire et guerrière, renverser trônes et privilèges, pour succomber, huit ans plus tard, dans les abus et les troubles qu'elle n'avait pu maîtriser. En 1848, on la vit s'élever au-dessus des barricades, se refuser à l'anarchie, se montrer sociale au-dedans et fraternelle au-dehors, mais bientôt s'effacer encore faute d'avoir accordé l'ordre avec l'élan du renouveau. Le 4 septembre 1870, au lendemain de Sedan, on la vit s'offrir au pays pour réparer le désastre.

De fait, la République sut relever la France, reconstituer les armées, recréer un vaste empire, renouer des alliances solides, faire de bonnes lois sociales, développer l'instruction. Si bien qu'elle eut la gloire d'assurer, pendant la Première Guerre mondiale, notre salut et notre victoire. Le 11 novembre, quand le peuple s'assemble et que les drapeaux s'inclinent pour la commémoration, l'hommage que la patrie décerne à ceux qui l'ont bien servie s'adresse aussi à la République.

Cependant, le régime comportait des vices de fonctionnement qui avaient pu sembler supportables à une époque assez statique, mais qui n'étaient plus compatibles avec les mouvements humains, les changements économiques, les périls extérieurs, qui précédaient la Deuxième Guerre mondiale. Faute qu'on y eût remédié, les événements terribles de 1940 emportèrent tout. Mais quand, le 18 juin, commença le combat pour la libération de la France, il fut aussitôt proclamé que la République à refaire serait une République nouvelle. La résistance tout entière ne cessa pas de l'affirmer.

On sait, on ne sait que trop, ce qu'il advint de ces espoirs. On sait, on ne sait que trop, qu'une fois le péril passé, tout fut livré et confondu à la discrétion des partis. On sait, on ne sait que trop, quelles en furent les conséquences. A force d'inconsistance et d'instabilité et quelles que pussent être les intentions, souvent la valeur, des hommes, le régime se trouva privé de l'autorité intérieure et de l'assurance extérieure sans lesquelles il ne pouvait agir. Il était inévitable que la paralysie de l'État amenât une grave crise nationale et qu'aussitôt la République fût menacée d'effondrement.

Le nécessaire a été fait pour obvier à l'irrémédiable à l'instant même où il était sur le point de se produire. Le déchirement de la nation fut, de justesse, empêché. On a pu sauvegarder la chance ultime de la République. C'est dans la légalité que moi-même et mon gouvernement avons assumé le mandat exceptionnel d'établir un projet de nouvelle Constitution et de le soumettre à la décision du peuple.

Nous l'avons fait sur la base des principes posés lors de notre investiture. Nous l'avons fait avec la collaboration du Conseil consultatif institué par la loi. Nous l'avons fait compte tenu de l'avis solennel du Conseil d'État. Nous l'avons fait après délibérations très libres et très approfondies de nos propres Conseils de ministres; ceux-ci formés d'hommes aussi divers que possible d'origines et, de tendances, mais résolument solidaires. Nous l'avons fait, sans avoir, entre-temps, attenté à aucun droit du peuple, ni à aucune liberté publique. La nation, qui seule juge, approuvera ou repoussera notre oeuvre. Mais c'est en toute conscience que nous la lui proposons.

Ce qui, pour les pouvoirs publics, est désormais primordial, c'est leur efficacité et leur continuité. Nous vivons en un temps où des forces gigantesques sont en train de transformer le monde. Sous peine de devenir un peuple périmé et dédaigné, il nous faut, dans les domaines scientifique, économique, social, évoluer rapidement. D'ailleurs à cet impératif répondent le goût du progrès et la passion des réussites techniques qui se font jour parmi les Français et, d'abord, dans notre jeunesse. Il y a là des faits qui dominent notre existence nationale et doivent, par conséquent, commander nos institutions.

La nécessité de rénover l'agriculture et l'industrie, de procurer les moyens de vivre, de travailler, de s'instruire, de se loger, à notre population rajeunie, d'associer les travailleurs à la marche des entreprises, nous pousse à être, dans les affaires publiques, dynamiques et expéditifs. Le devoir de ramener la paix en Algérie, ensuite celui de la mettre en valeur, enfin celui de régler la question de son statut et de sa place dans notre ensemble, nous imposent des efforts difficiles et prolongés. Les perspectives que nous ouvrent les ressources du Sahara sont magnifiques, certes, mais complexes. Les rapports entre la métropole et les territoires d'outre-mer exigent une profonde adaptation. L'univers est traversé de courants qui mettent en cause l'avenir de l'espèce humaine et portent la France à se garder, tout en jouant le rôle de mesure, de paix, de fraternité, que lui dicte sa vocation. Bref, la nation française refleurira ou périra suivant que l'État aura ou n'aura pas assez de force, de constance, de prestige, pour la conduire là où elle doit aller.

C'est donc pour le peuple que nous sommes, au siècle et dans le monde où nous sommes, qu'a été établi le projet de Constitution. Que le pays puisse être effectivement dirigé par ceux qu'il mandate et leur accorde la confiance qui anime la légitimité. Qu'il existe, au-dessus des luttes politiques, un arbitre national, élu par les citoyens qui détiennent un mandat public, chargé d'assurer le fonctionnement régulier des institutions, ayant le droit de recourir au jugement du peuple souverain, répondant, en cas d'extrême péril, de l'indépendance, de l'honneur, de l'intégrité de la France et du salut de la République. Qu'il existe un gouvernement qui soit fait pour gouverner, à qui on en laisse le temps et la possibilité, qui ne se détourne pas vers autre chose que sa tâche, et qui, par là, mérite l'adhésion du pays. Qu'il existe un parlement destiné à représenter la volonté politique de la nation, à voter les lois, à contrôler l'exécutif, sans prétendre sortir de son rôle. Que gouvernement et parlement collaborent mais demeurent séparés quant à leurs responsabilités et qu'aucun membre de l'un ne puisse, en même temps, être membre de l'autre. Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir. Le reste dépendra des hommes.

Qu'un conseil économique et social, désigné en dehors de la politique par les organisations professionnelles et syndicales du pays et de l'outre-mer, fournisse ses avis au parlement et au gouvernement. Qu'un comité constitutionnel, dégagé de toute attache, ait qualité pour apprécier si les lois votées sont conformes à la Constitution et si les élections diverses ont eu lieu régulièrement. Que l'autorité judiciaire soit assurée de son indépendance et demeure la gardienne de la liberté de chacun. La compétence, la dignité, l'impartialité de l'État en seront mieux garanties.

Qu'entre la nation française et ceux des territoires d'outremer qui le veulent, soit formée une Communauté, au sein de laquelle chaque territoire va devenir un État qui se gouvernera lui-même, tandis que la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière, celle des matières premières, le contrôle de la justice, l'enseignement supérieur, les communications lointaines, constitueront un domaine commun dont auront à connaître les organes de la Communauté: Président, Conseil exécutif, Sénat, Cour d'arbitrage. Ainsi, cette vaste organisation rénovera-t-elle l'ensemble humain groupé autour de la France. Ce sera fait en vertu de la libre détermination de tous. En effet, chaque territoire aura la faculté, soit d'accepter par son vote au référendum la proposition de la France, soit de la refuser et, par là même, de rompre avec elle tout lien. Devenu membre de la Communauté, il pourra dans l'avenir, après s'être mis d'accord avec les organes communs, assumer son propre destin indépendamment des autres.

Qu'enfin, pendant les quatre mois qui suivront le référendum, le gouvernement ait la charge des affaires du pays et fixe, en particulier, le régime électoral. De cette façon, pourront être prises, sur mandat donné par le peuple, les dispositions nécessaires à la mise en place des nouvelles institutions.

Voilà, Françaises, Français, de quoi s'inspire et en quoi consiste la Constitution qui sera, le 28 septembre, soumise à vos suffrages. De tout mon coeur, au nom de la France, je vous demande de répondre: OUI!

Si vous ne le faites pas, nous en reviendrons, le jour même, aux errements que vous savez. Si vous le faites, le résultat sera de rendre la République forte et efficace, pourvu que les responsables sachent, désormais, le vouloir! Mais il y aura aussi, dans cette manifestation positive de la volonté nationale, la preuve que notre pays retrouve son unité et, du coup, les chances de sa grandeur. Le monde, qui discerne fort bien quelle importance notre décision va revêtir pour lui-même, en tirera la conclusion. Peut-être l'a-t-il, dès à présent, tirée! Un grand espoir se lèvera sur la France. Je crois qu'il est déjà levé!

Vive la République!

Vive la France!

Le samedi 22 avril 1961, un putsch a eu lieu à Alger, conduit par les généraux Salan, Challe, Zeller et Jouhaud. C'est l'état d'urgence. Le lendemain, Charles de Gaulle décide de recourir à l'article 16 de la Constitution, qui donne au chef de l'État les pouvoirs nécessaires jusqu'au rétablissement de l'ordre. Aussi, en informe-t-il la nation.

Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire.

Les coupables de l'usurpation ont exploité la passion des cadres de certaines unités spécialisées, l'adhésion enflammée d'une partie de la population de souche européenne qu'égarent les craintes et les mythes, l'impuissance des responsables submergés par la conjuration militaire.

Ce pouvoir a une apparence: un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité: un groupe d'officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national.

Car l'immense effort de redressement de la France, entamé depuis le fond de l'abîme, le 18 juin 1940, mené ensuite jusqu'à ce qu'en dépit de tout la victoire fût remportée, l'indépendance assurée, la République restaurée; repris depuis trois ans, afin de refaire l'État, de maintenir l'unité nationale, de reconstituer notre puissance, de rétablir notre rang au-dehors, de poursuivre notre oeuvre outre-mer à travers une nécessaire décolonisation, tout cela risque d'être rendu vain, à la veille même de la réussite, par l'aventure odieuse et stupide des insurgés en Algérie. Voici l'État bafoué, la Nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis. Et par qui? Hélas! Hélas! par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être, de servir et d'obéir.

Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J'interdis à tout Français et, d'abord, à tout soldat d'exécuter aucun de leurs ordres. L'argument suivant lequel il pourrait être localement nécessaire d'accepter leur commandement sous prétexte d'obligations opérationnelles ou administratives ne saurait tromper personne. Les seuls chefs, civils et militaires, qui aient le droit d'assumer les responsabilités sont ceux qui ont été régulièrement nommés pour cela et que, précisément, les insurgés empêchent de le faire. L'avenir des usurpateurs ne doit être que celui que leur destine la rigueur des lois.
Devant le malheur qui plane sur la patrie et la menace qui pèse sur la République, ayant pris l'avis officiel du Conseil constitutionnel, du Premier ministre, du président du Sénat, du président de l'Assemblée nationale, j'ai décidé de mettre en oeuvre l'article 16 de notre Constitution. A partir d'aujourd'hui, je prendrai, au besoin directement, les mesures qui paraîtront exigées par les circonstances. Par là même, je m'affirme, pour aujourd'hui et pour demain, en la légitimité française républicaine que la nation m'a conférée, que je maintien quoi qu'il arrive, jusqu'au terme de mon mandat ou jusqu'à ce que me manquent, soit les forces, soit la vie, et dont je prendrai les moyens d'assurer qu'elle demeure après moi.

Françaises, Français! Voyez où risque d'aller la France, par rapport à ce qu'elle était en train de redevenir.

Françaises, Français! Aidez-moi!

18 octobre 1962 : le Général de Gaulle s'adresse au peuple français. Dorénavant, si les Français approuvent par référendum, le président de la République sera élu au suffrage universel !

 

Françaises, Français!

Le 28 octobre, ce que vous allez répondre à ce que je vous demande engagera le destin de la France. J'ai le devoir de vous dire pourquoi.

Tout le monde sait qu'en adoptant, sur ma proposition, la Constitution de 1958, notre peuple a condamné, à une immense majorité, le régime désastreux qui livrait la République à la discrétion des partis et, une fois de plus, avait failli jeter la France au gouffre. Tout le monde sait que, par le même vote, notre peuple a institué un Président, chef de l'État, guide de la France, clef de voûte des institutions, et a consacré le référendum qui permet au Président de soumettre directement au pays ce qui peut être essentiel. Tout le monde sait, qu'en même temps, notre peuple m'a fait confiance pour régler, avec mon gouvernement, les lourds problèmes devant lesquels venait de s'effondrer le système de la décadence: menace immédiate de faillite, absurde conflit algérien, danger grave d'opposition entre la nation et son armée, abaissement de la France au milieu d'un monde qui lui était, alors, malveillant ou méprisant.

Cette mission, si j'ai pu, jusqu'à présent, la remplir, c'est tout d'abord parce que j'étais sûr que vous m'en approuviez. Mais c'est aussi parce que nos institutions nouvelles me donnaient les moyens de faire ce qu'il fallait. Ainsi ai-je pu, pendant quatre années, sans altérer les droits des citoyens ni les libertés publiques, assurer la conduite du pays vers le progrès, la prospérité, la grandeur, étouffer à mesure les menaces criminelles qui se dressaient contre l'État et empêcher le retour aux vices du régime condamné.

Comme la preuve est ainsi faite de la valeur d'une Constitution qui veut que l'État ait une tête et comme, depuis que je joue ce rôle, personne n'a jamais pensé que le président de la République était là pour autre chose, je crois, en toute conscience, que le peuple français doit marquer maintenant par un vote solennel qu'il veut qu'il en soit ainsi, aujourd'hui, demain et plus tard. Je crois que c'est, pour lui, le moment d'en décider, car, autrement, les attentats qui ont été perpétrés et ceux qui sont préparés font voir que ma disparition risquerait de replonger la France dans la confusion de naguère et, bientôt, dans la catastrophe. Bref, je crois que, quoi qu'il arrive, la nation doit avoir, désormais, le moyen de choisir elle-même son Président à qui cette investiture directe pourra donner la force et l'obligation d'être le guide de la France et le garant de l'État.

C'est pourquoi, Françaises, Français, m'appuyant sur notre Constitution, usant du droit qu'elle me donne formellement de proposer au peuple souverain, par voie de référendum, tout projet de loi qui porte sur l'organisation des pouvoirs publics, mesurant, mieux que jamais, la responsabilité historique qui m'incombe à l'égard de la patrie, je vous demande, tout simplement, de décider que dorénavant vous élirez votre Président au suffrage universel.

Si votre réponse est: "Non"! comme le voudraient tous les anciens partis afin de rétablir leur régime de malheur, ainsi que tous les factieux pour se lancer dans la subversion, ou même si la majorité des "Oui"! est faible, médiocre, aléatoire, il est bien évident que ma tâche sera terminée aussitôt et sans retour. Car, que pourrais-je faire, ensuite, sans la confiance chaleureuse de la Nation?

Mais si, comme je l'espère, comme je le crois, comme j'en suis sûr, vous me répondez "Oui"! une fois de plus et en masse, alors me voilà confirmé par vous toutes et par vous tous dans la charge que je porte! Voilà le pays fixé, la République assurée et l'horizon dégagé! Voilà le monde décidément certain du grand avenir de la France!

Vive la République!

Vive la France!

 

Au Complexe sportif national de Phnom Penh, le 1er septembre 1966, Charles de Gaulle, admiré par plus de 100 000 personnes, expose son avis sur la question d'un conflit très proche entre les États-Unis et le Viêt-nam, ce qui aurait de lourdes conséquences...

 

 

De tout cœur, je remercie Son Altesse Royale le prince Norodom Sihanouk de nous réserver un accueil aussi magnifique dans sa noble capitale. En même temps, je remercie le peuple khmer de m'apporter cet extraordinaire témoignage de sa généreuse confiance, ainsi que de l'amitié profonde qui unit nos deux pays.

L'amitié, la confiance! Oui! Entre le Cambodge et la France, quelle que soit la diversité des origines et des latitudes, que d'affinités, en effet! De part et d'autre, une histoire chargée de gloires et de douleurs, une culture et un art exemplaires, une terre féconde, aux frontières vulnérables, entourée d'ambitions étrangères et au-dessus de laquelle le péril est sans cesse suspendu. Le fait, qu'il y a un siècle, les deux nations associèrent pour un temps leurs destinées a pu, certes, aider le Cambodge à maintenir son intégrité tandis que la France y trouvait un très utile concours. Mais, ensuite, ayant, d'un commun accord, séparé leurs souverainetés et donné comme base à leurs rapports une amicale coopération, voici que l'estime et l'affection que se portent mutuellement les deux peuples sont aujourd'hui plus grandes que jamais.

Cette estime et cette affection, il me faut dire que, pour nous Français, elles sont amplement justifiées par ce que fait le Cambodge, depuis qu'il y a treize ans il a repris l'entière disposition de lui-même. Nous voyons le Royaume, malgré de graves difficultés, agir en faveur de l'équilibre et de la paix dans la région du monde où il se trouve, tout en maintenant sa personnalité, sa dignité, son indépendance. Nous assistons, sous l'impulsion très dynamique de Votre Altesse Royale, à un développement intérieur, dont des centaines d'écoles, d'hôpitaux, de dispensaires, des milliers de petites et de moyennes entreprises, des milliers de kilomètres de routes et de pistes, des dizaines de milliers d'hectares de plantations - le tout réalisé par des ingénieurs, des experts, des travailleurs cambodgiens - attestent d'année en année la vigueur et l'étendue. La devise "Le Cambodge s'aide lui-même", que Votre gouvernement a inscrite sur tous les chantiers, est, pour le peuple khmer, un motif de juste fierté et, pour d'autres, un encourageant exemple. Nous constatons, au surplus, que cet effort national ne détourne nullement votre pays de recourir à la langue et à la culture françaises, ainsi qu'aux professeurs, aux techniciens, aux médecins, aux industriels français, pour aider à ses propres progrès, tout en utilisant des concours fournis d'ailleurs et en faisant légitimement en sorte que les réalisations accomplies sur son territoire aient été voulues par lui et le servent directement. Au total, nous voyons le Cambodge, bien qu'il demeure fidèle à ses antiques traditions, s'ouvrir délibérément à la civilisation moderne et, grâce à une rare stabilité intérieure, accomplir pas à pas, au profit de tous ses enfants, une remarquable transformation.

Mais, tandis que le Royaume avance dans la bonne voie, pourquoi faut-il qu'à ses frontières la guerre provoque un déchaînement de massacres et de ruines qui menace son propre avenir?
Ces malheurs, le Chef de l'État khmer les avait prévus, mais il avait aussi indiqué à temps ce qu'il convenait de faire pour les conjurer, à condition qu'on le voulût de bonne foi. Au lendemain des accords de Genève de 1954, le Cambodge choisissait, avec courage et lucidité, la politique de la neutralité, qui découlait de ces accords et qui, dès lors que ne s'exerçait plus la responsabilité de la France, aurait seule pu épargner à l'Indochine de devenir un terrain d'affrontement pour les dominations et idéologies rivales et une sollicitation pour l'intervention américaine. C'est pourquoi, tandis que votre pays parvenait à sauvegarder son corps et son âme parce qu'il restait maître chez lui, on vit l'autorité politique et militaire des États-Unis s'installer à son tour au Viêt-nam du Sud et, du même coup, la guerre s'y ranimer sous la forme d'une résistance nationale. Après quoi, des illusions relatives à l'emploi de la force conduisirent au renforcement continuel du Corps expéditionnaire et à une escalade de plus en plus étendue en Asie, de plus en plus proche de la Chine, de plus en plus provocante à l'égard de l'Union Soviétique, de plus en plus réprouvée par nombre de peuples d'Europe, d'Afrique, d'Amérique latine, et, en fin de compte, de plus en plus menaçante pour la paix du monde.

Devant une telle situation, dont tout donne, hélas! à penser qu'elle va aller en s'aggravant, je déclare ici que la France approuve entièrement l'effort que déploie le Cambodge pour se tenir en dehors du conflit et qu'elle continuera de lui apporter dans ce but son soutien et son appui. Oui! La position de la France est prise. Elle l'est par la condamnation qu'elle porte, sur les actuels événements. Elle l'est par sa résolution de n'être pas, où que ce soit et quoi qu'il arrive, automatiquement impliquée dans l'extension éventuelle du drame et de garder, en tout cas, les mains libres. Elle l'est, enfin, par l'exemple qu'elle-même a donné naguère en Afrique du Nord, en mettant délibérément un terme à des combats stériles sur un terrain que, pourtant, ses forces dominaient sans conteste, qu'elle administrait directement depuis cent trente-deux ans et où étaient installés plus d'un million de ses enfants. Mais, comme ces combats n'engageaient ni son bonheur, ni son indépendance et qu'à l'époque où nous sommes ils ne pouvaient aboutir à rien qu'à des pertes, des haines, des destructions, sans cesse accrues, elle a voulu et su en sortir sans qu'aient, de ce fait, souffert - bien au contraire! - son prestige, sa puissance et sa prospérité.

Eh bien! La France considère que les combats qui ravagent l'Indochine n'apportent, par eux-mêmes et eux non plus, aucune issue. Suivant elle, s'il est invraisemblable que l'appareil guerrier américain vienne à être anéanti sur place, il n'y a, d'autre part, aucune chance pour que les peuples de l'Asie se soumettent à la loi de l'étranger venu de l'autre Pacifique, quelles que puissent être ses intentions et si puissantes que soient ses armes. Bref, pour longue et dure que doive être l'épreuve, la France tient pour certain qu'elle n'aura pas de solution militaire.

A moins que l'univers ne roule vers la catastrophe, seul un accord politique pourrait donc rétablir la paix. Or, les conditions d'un pareil accord étant bien claires et bien connues, il est encore temps d'espérer. Tout comme celui de 1954, l'accord aurait pour objet d'établir et de garantir la neutralité des peuples de l'Indochine et leur droit de disposer d'eux-mêmes tels qu'ils sont effectivement, en laissant à chacun d'eux la responsabilité entière de ses affaires. Les contractants seraient donc les pouvoirs réels qui s'y exercent et, parmi les autres États, tout au moins les cinq puissances mondiales. Mais la possibilité et, à plus forte raison, l'ouverture d'une aussi vaste et difficile négociation dépendraient, évidemment, de la décision et de l'engagement qu'aurait auparavant voulu prendre l'Amérique, de rapatrier ses forces dans un délai convenable et déterminé.

Sans nul doute, une pareille issue n'est pas du tout mûre aujourd'hui, à supposer qu'elle le devienne jamais. Mais la France estime nécessaire d'affirmer qu'à ses yeux il n'en existe aucune autre, sauf à condamner le monde à des malheurs toujours grandissants. La France le dit au nom de son expérience et de son désintéressement. Elle le dit en raison de l'œuvre qu'elle a accomplie naguère dans cette région de l'Asie, des liens qu'elle y a conservés, de l'intérêt qu'elle continue de porter aux peuples qui y vivent et dont elle sait que ceux-ci le lui rendent. Elle le dit à cause de l'amitié exceptionnelle et deux fois séculaire que, d'autre part, elle porte à l'Amérique, de l'idée que, jusqu'à présent elle s'en était faite, comme celle-ci se la faisait d'elle-même, savoir celle d'un pays champion de la conception suivant laquelle il faut laisser les peuples disposer à leur façon de leur propre destin. Elle le dit compte tenu des avertissements que Paris a depuis longtemps multipliés à l'égard de Washington quand rien encore n'avait été commis d'irréparable. Elle le dit, enfin, avec la conviction, qu'au degré de puissance, de richesse, de rayonnement, auquel les États-Unis sont actuellement parvenus, le fait de renoncer, à leur tour, à une expédition lointaine dès lors qu'elle apparaît sans bénéfice et sans justification et de lui préférer un arrangement international organisant la paix et le développement d'une importante région du monde, n'aurait rien, en définitive, qui puisse blesser leur fierté, contrarier leur idéal et nuire à leurs intérêts. Au contraire, en prenant une voie aussi conforme au génie de l'Occident, quelle audience les États-Unis retrouveraient-ils d'un bout à l'autre du monde et quelle chance recouvrerait la paix sur place et partout ailleurs! En tout cas, faute d'en venir là, aucune médiation n'offrira une perspective de succès et c'est pourquoi la France, pour sa part, n'a jamais pensé et ne pense pas à en proposer aucune.

Où donc, mieux qu'à Phnom-Penh, aurais-je pu formuler cette attitude et cette espérance, puisque ce sont aussi celles du Cambodge, puisque le Royaume, au milieu de l'Indochine déchirée, apparaît comme un modèle d'unité et d'indépendance, puisque l'amitié active de nos deux gouvernements et de nos deux peuples est aujourd'hui plus vivante que jamais, puisqu'en voici la preuve inoubliable!

Vive le Cambodge!

Le 24 juillet 1967, le Général de Gaulle est à Montréal, au Québec. Arrivé à l'Hôtel de ville, il improvise un discours qui restera longtemps dans les mémoires...

C'est une immense émotion qui remplit mon coeur en voyant devant moi la ville française de Montréal. Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue de tout mon coeur. Je vais vous confier un secret que vous ne répéterez pas. Ce soir ici, et tout le long de ma route, je me trouvais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération. Outre cela, j'ai constaté quel immense effort de progrès, de développement, et par conséquent d'affranchissement vous accomplissez ici et c'est à Montréal qu'il faut que je le dise, parce que, s'il y a au monde une ville exemplaire par ses réussites modernes, c'est la vôtre. Je dis c'est la vôtre et je me permets d'ajouter c'est la nôtre.

Si vous saviez quelle confiance la France, réveillée après d'immenses épreuves, porte vers vous, si vous saviez quelle affection elle recommence à ressentir pour les Français du Canada et si vous saviez à quel point elle se sent obligée à concourir à votre marche en avant, à votre progrès! C'est pourquoi elle a conclu avec le gouvernement du Québec, avec celui de mon ami Johnson, des accords, pour que les Français de part et d'autre de l'Atlantique travaillent ensemble à une même oeuvre française. Et, d'ailleurs, le concours que la France va, tous les jours un peu plus, prêter ici, elle sait bien que vous le lui rendrez, parce que vous êtes en train de vous constituer des élites, des usines, des entreprises, des laboratoires, qui feront l'étonnement de tous et qui, un jour, j'en suis sûr, vous permettront d'aider la France.

Voilà ce que je suis venu vous dire ce soir en ajoutant que j'emporte de cette réunion inouïe de Montréal un souvenir inoubliable. La France entière sait, voit, entend, ce qui se passe ici et je puis vous dire qu'elle en vaudra mieux.

Vive Montréal! Vive le Québec!

Vive le Québec libre!

Vive le Canada français! et vive la France!

A l'occasion de l'inauguration de la 50ème Foire internationale de Lyon, le 24 mars 1968, Charles de Gaulle prend la parole. Il expose alors le but de sa politique et les choix indispensables à prendre pour préserver la grandeur de la France.

Que la Foire de Lyon s'ouvre cette année pour la cinquantième fois; qu'elle ait eu pour antécédents de larges et francs marchés européens, inaugurés voici cinq siècles et demi en pleine guerre de Cent Ans et souvent renouvelés ensuite avec l'appui de nos rois; qu'elle ait pris sa forme et son essor nouveaux au cours de la Première Guerre mondiale en un acte de foi dans le destin d'une France qui était alors en danger; qu'elle se présente aujourd'hui comme la démonstration de la valeur moderne de notre économie relativement à celle des autres et multiplie ainsi les possibilités d'échanges et d'émulation, il y a là un fait éminemment national. C'est tout d'abord à ce titre que, déclarant la Foire ouverte, nous saluons la vigueur de son développement.

Mais aussi, c'est à Lyon, à son rôle, à son avenir, que nous rendons témoignage. Car si la capitale de l'ancienne Gaule fut, au temps de la Renaissance, la première place financière de l'Occident, une des villes manufacturières et marchandes les plus entreprenantes de l'Europe, le chef-lieu de la soie, de la toile et de l'imprimerie en France, elle est, à présent, par l'importance et la diversité de ses industries, textiles, chimiques, mécaniques, électriques, pétrolières, automobiles, etc., par l'étendue et la multiplicité de ses actions commerciales, par le travail et le rayonnement de son université, par tout ce qui s'y, recherche, s'y invente et s'y guérit, une métropole par excellence. A cet égard, la communauté urbaine, qui assemble avec elle plus d'un million d'habitants, marque la puissance de son agglomération. Mais, voici qu'un vaste ensemble, démographique, économique, scientifique et technique, comprenant Saint-Étienne et Grenoble et dont Lyon sera le principal élément, va donner à la grande cité rhodanienne un champ humain d'expansion... deux millions et demi d'âmes au départ... proportionné à ses capacités et pourquoi pas?...à ses ambitions.

D'autant plus que toute la région Rhône-Alpes s'ordonne par rapport à ce centre. L'évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort multiséculaire de centralisation, qui lui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais.

Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain. Or, dans l'hexagone fameux où l'histoire et la géographie ont placé l'essentiel de la substance française, la région du Rhône et des Alpes comporte, tout justement, d'exceptionnelles conditions de progrès.

Cela tient, d'abord, à tout ce qui, d'ores et déjà, s'y trouve à l'œuvre, quant aux usines, ateliers et métiers, quant aux sources d'énergie, quant aux activités de pointe, quant aux ressources agricoles, forestières et touristiques, quant aux idées et découvertes issues des facultés et des laboratoires. Cela tient, ensuite, à la belle et bonne Saône et au Rhône fort et bouillonnant dont le sillon forme, d'un bout à l'autre, un axe unique et direct. Cela tient, encore, au fait que cette grande communication, prolongée, d'une part, par le cours du Rhin dont aucun obstacle considérable du relief ne la sépare et débouchant, d'autre part, vers Marseille, est naturellement désignée comme la principale artère par laquelle l'Europe moderne va relier les mers du Nord à la Méditerranée. Cela tient, enfin, aux parcours plus commodes et plus rapides qui, à mesure que l'on parvient à traverser les massifs alpins, peuvent joindre entre eux les bassins du Rhône et du Pô.

Certes, pour aménager en conséquence les fleuves, les canaux, les routes, les tunnels, les centres de production du territoire, il faut un grand effort français. Mais cet effort est en cours. La construction de l'autoroute qui s'achève entre Dijon et la côte, l'électrification accomplie des chemins de fer, l'ouverture prévue, à Satolas, d'un aérodrome de première classe, les gigantesques travaux entrepris pour rendre le Rhône navigable en tout temps aux péniches de 1 300 tonnes...tout récemment, par exemple, l'écluse de Pierre-Bénite, le percement du Mont-Blanc terminé en 1965, le démontrent avec éclat. Cela fait, il va falloir relier directement la voie fluviale de la Saône et du Rhône à celles du Rhin et de la Moselle et, en même temps, forer l'Epine et le Fréjus. Sans doute, notre Vème Plan devra-t-il comporter les décisions nécessaires. Car, ce qui a été accompli ici le fut parce que les initiatives et les réalisations dues aux valeurs et aux capacités lyonnaises, et tout d'abord aux vôtres, Monsieur le Maire (Louis Pradel), ainsi que les avis et les projets fournis aux pouvoirs publics, à l'échelon régional, par la Commission de développement économique régional ou se déploie, Monsieur le Président (Antoine Pinay), votre éminente expérience, se sont heureusement conjugués avec les desseins que l'état poursuit au service du pays tout entier. Ce qui reste à faire doit être fait dans la même féconde harmonie.

Harmonie qui est féconde parce qu'elle est nationale. Tandis que notre unité profonde est, désormais, bien assurée, la transformation qui tend à mieux répartir toutes nos activités sur toutes les terres de notre peuple avive, du même coup, toutes les sources de notre existence. Mais aussi, chacune des régions qui sont bordées par notre frontière nous met tous, à mesure de son propre développement, en relation plus directe et plus étroite avec l'extérieur. C'est vrai pour le Nord par rapport aux pays belge, néerlandais, luxembourgeois, qui l'avoisinent; pour la Lorraine et pour l'Alsace vis-à-vis de l'ensemble rhénan; pour la Franche-Comté au contact de la Confédération helvétique; pour la Provence et le Languedoc à l'égard du monde méditerranéen; pour l'Aquitaine qui touche à la péninsule Ibérique; pour la Bretagne plongeant dans l'Atlantique; pour la Normandie à portée des îles Britanniques. Combien est-ce vrai aussi pour la région rhodanienne prolongeant le bassin du Rhin et limitrophe de l'Italie et de la Suisse!

Or, le fait est que notre pays, redevenu maître de lui même, n'en est que plus disposé à la coopération, notamment dans le domaine économique dont, désormais, tout dépend. Il le prouve en participant activement à la Communauté des Six, en envisageant volontiers, pourvu que celle-ci demeure intacte, des arrangements quant aux échanges spécifiques à l'Europe occidentale, en développant ses rapports avec l'Est de notre continent, en élargissant ceux qu'il pratique avec le monde tout entier, enfin en se tenant prêt à apporter sa contribution à l'établissement d'un système monétaire qui serait équitable, impartial, inébranlable, et par là justifierait la confiance universelle.

Voilà pourquoi et comment l'ouverture, en 1968, de la Cinquantième Foire internationale de Lyon est une marque insigne du renouveau de la France.

Vive Lyon!

Vive la République!

Vive la France!

Nous sommes le jeudi 30 mai 1968. Le Général de Gaulle souhaite s'adresser aux Français afin de leur faire part de ses décisions prises. Nous sommes à la fin de ce terrible moi de mai, où des troubles universitaires et des grèves ont paralysé le pays ; les Accords de Grenelle doit mettre fin à cela.

Françaises, Français.

Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j'ai envisagé, depuis vingt quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir. J'ai pris mes résolutions.

Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. J'ai un mandat du peuple, je le remplirai.

Je ne changerai pas le Premier ministre, dont la valeur, la solidité, la capacité, méritent l'hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paraîtront utiles dans la composition du gouvernement.

Je dissous aujourd'hui l'Assemblée nationale.

J'ai proposé au pays un référendum qui donnait aux citoyens l'occasion de prescrire une réforme profonde de notre économie et de notre Université et, en même temps, de dire s'ils me gardaient leur confiance, ou non, par la seule voie acceptable, celle de la démocratie. Je constate que la situation actuelle empêche matériellement qu'il y soit procédé. C'est pourquoi j'en diffère la date. Quant aux élections législatives elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution, à moins qu'on entende bâillonner le peuple français tout entier, en l'empêchant de s'exprimer en même temps qu'on l'empêche de vivre, par les mêmes moyens qu'on empêche les étudiants d'étudier, les enseignants d'enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens, ce sont l'intimidation, l'intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue main en conséquence et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s'il a déjà des rivaux à cet égard.

Si donc cette situation de force se maintient, je devrais pour maintenir la République prendre, conformément à la Constitution, d'autres voies que le scrutin immédiat du pays. En tout cas, partout et tout de suite, il faut que s'organise l'action civique. Cela doit se faire pour aider le gouvernement d'abord, puis localement les préfets, devenus ou redevenus commissaires de la République, dans leur tâche qui consiste à assurer autant que possible l'existence de la population et à empêcher la subversion à tout moment et en tous lieux.

La France, en effet, est menacée de dictature. On veut la contraindre à se résigner à un pouvoir qui s'imposerait dans le désespoir national, lequel pouvoir serait alors évidemment et essentiellement celui du vainqueur, c'est-à-dire celui du communisme totalitaire. Naturellement, on le colorerait, pour commencer, d'une apparence trompeuse en utilisant l'ambition et la haine de politiciens au rancart. Après quoi, ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids qui ne serait pas lourd.

Eh bien! Non! La République n'abdiquera pas. Le peuple se ressaisira. Le progrès, l'indépendance et la paix l'emporteront avec la liberté.

Vive la République!

Vive la France!

Le 27 avril 1969, le Général de Gaulle apprend que le "non" au référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat l'a emporté. Le 28, il adresse un communiqué à l'Élysée.

Je cesse d'exercer mes fonctions de Président de la République.

Cette décision prend effet aujourd'hui à midi.

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