Sa biographie

(Lille, 1890 / Colombey-les-Deux-Eglises,1970)


Avec la précieuse aide de l’Amiral Philippe de Gaulle qui m’a fait l’honneur d’apporter quelques précisions sur des faits concernant le Général, son père, et notamment la Résistance.

L'artisan de notre France

Plan :

I - Le militaire : éducation et formation -la tradition assumé.

De l'épée à la plume
Les anticipations d'un officier hors norme

 

I - Le militaire : éducation et formation - la tradition assumée

 

Dans les premières lignes de ses Mémoires de guerre, Charles évoque sa mère en ces termes : "Ma mère portait à la patrie une passion intransigeante, à l'égal de sa piété religieuse". Le foyer familial, catholique et patriotiste, est aussi très cultivé. A douze ans, la mémoire du général est prodigieuse : on peut déjà déceler ses auteurs préféré (Chateaubriand et bientôt, Péguy à propos duquel il confiera plus tard : "Aucun auteur ne m'a autant inspiré dans ce que j'ai entrepris de faire"), mais il est périlleux de savoir ce qu'il na pas lu, tant il dévore les rayons de l'immense bibliothèque familiale. Henri de Gaulle confie l'éducation du jeune Charles aux Jésuites et aux Assomptionnistes. Ses matières préférées sont l'histoire, la littérature et l'Allemand, qu'il parlera bientôt couramment grâce aux vacances passées chez les correspondants badois, sans doute alliés aux Kolb, grands-parents de sa mère. C'est en 1907 qu'il se retrouve en Belgique, à l'école libre du Sacré-Coeur d'Antoing, où se sont repliés les Jésuites de l'Immaculée-Conception. La vocation militaire de Charles se déclare dès 14 ans. Après une année préparatoire au collège Stanislas à Paris, Charles est reçu en 1908, à 18 ans, à l'École militaire de Saint-Cyr, d'où sont issus depuis le XIXe siècle, les cadres politiques de la France. Ayant intégré l'École à un rang moyen (cent dix-neuvième), il en ressortira treizième en 1912. Il est alors affecté sur son choix au 33e régiment d'infanterie (RI) d'Arras, commandé par Philippe Pétain.

Trente-quatre ans séparent le jeune lieutenant du vieux colonel qui, à cinquante-six ans, commande l'obscur 33e RI, quand d'autres sont déjà généraux. Pétain, qui a perdu la foi, passe pour un libertin et compense ses déboires et sa réputation par un isolement et une froideur calculés. Pourtant, il sait parfois briser la glace pour ses officiers qu'il estime beaucoup. Voilà un caractère qui plaît au lieutenant de Gaulle, chez qui, semble-t-il, Pétain reconnaît aussitôt un disciple. Pétain note sur la nouvelle recrue, en 1913 : "Officier de réelle valeur qui donne les plus belles espérances pour l'avenir. Très intelligent, aime son métier avec passion... Digne de tous les éloges". Mais des tensions et des contradictions se font sentir entre Pétain et de Gaulle. C'est même pour toutes ces raisons que, sans attendre leur rupture historique de l'été 1940, de Gaulle se séparera de son chef, victime, l'âge venu, des travers qu'il avait jadis combattus.

- De l'épée à la plume -

2 Août 1914 : la guerre éclate et le vieux monde roule à l'abîme. Pétain rejoint le front pour entamer l'épopée qui en fera le vainqueur de Verdun. Blessé dès le 15 août à Dinant en affrontant avec ses camarades l'épreuve du feu. Blessé de nouveau au combat de Mesnie-les-Hurlus, en Champagne, le 10 mars 1915, il rejoint le 33e RI comme commandant de compagnie, puis adjoint au colonel Pétain. Le lieutenant de Gaulle devient à titre temporaire dès le mois de février 1916 (et définitivement en octobre suivant) capitaine. En mars 1915, il est décoré de la croix de guerre et cité à l'ordre de sa division. En février 1916, la compagnie de De Gaulle monte sur Verdun. Le 2 mars, écrasée par l’artillerie, au terme d'un corps à corps avec les Allemands, le capitaine de Gaulle s'écroule inanimé, frappé d'un coup de baïonnette. Il se réveillera prisonnier. Transfert à l'hôpital de Mayence. Commençant alors trente-deux mois d'une épouvantable captivité, ponctuée de cinq tentatives officielles d'évasion qui lui vaudront de passer du confort très relatif des premiers oflags à la cellule sans lumière des récidivistes.

Interné successivement à Osnabrück, Neisse, Sezwoyn, Inguestadt, Rosenberg, Passau, Ingolstadt encore puis Würzburg et Magdeburg, Charles de Gaulle n'ignore bientôt plus rien de la géographie pénitentiaire allemande. Quand il ne tente pas de s'évader, le capitaine en profite pour relire les auteurs grecs et latins et les contemporains qu'il avait négligés, mais aussi la presse et la littérature allemandes qu'on veut bien lui communiquer, organisant, dès qu'il peut, des conférences historiques ou philosophiques pour ses compagnons. Charles de Gaulle devra pourtant attendre le 11 novembre 1918 pour être libéré. A Lyon, il fête ses retrouvailles, le 3 décembre 1918, avec une France victorieuse. Charles de Gaulle gardera toujours un sentiment d'humiliation au coeur.

Les trois années suivantes, au cours desquelles il suit, de janvier 1919 à mai 1919, un cours obligatoire pour tous les anciens prisonniers, et participe comme instructeur volontaire à la lutte que livre la Pologne contre l'armée rouge, consolident ses réflexions d'hommes d'armes. Après vingt mois passés à l'École militaire de Rambertow puis à l'État-major de Varsovie, le capitaine de Gaulle rencontre Yvonne Vendroux, fille d'un industriel calaisien, qu'il épouse le 7 avril 1921.

En février 1921, et jusqu'à mai 1922, Charles de Gaulle est professeur d'histoire à Saint-Cyr, manifestant des dons de brillant pédagogue. Ceci lui permettra parallèlement de se consacrer à la préparation de l'École Supérieure de Guerre. Le 2 mai 1922, le Journal officiel publie l'admission du capitaine de Gaulle à l'École Supérieure de Guerre. Il y restera deux ans, non sans avoir subi les stages traditionnels auprès des différentes armes : dragons cantonnés à Paris, chars à Satory, aviation du Bourget, artillerie à Trèves... Les idées qu'il défend tranchent avec celles d'un corps professoral figé dans la tradition. Mais il y reçoit des notes médiocres :son assurance tellement appréciée au combat passe pour de l'orgueil ; son esprit d'initiative pour de l'indiscipline ; son humour pour de l'insolence. Il n'est pas admis à figurer sur la liste des futurs enseignants. Relégué dans un emploi subalterne à l'État-major de Mayence en 1924, il en est tiré par l'intervention de son ancien colonel, devenu le maréchal Pétain, alors au sommet de son prestige militaire et civil qui l'appelle à son cabinet comme officier rédacteur et l'impose comme conférencier à l'École de Guerre, tâche dont il s'acquittera, en sa présence, courant 1927.

Dès ce moment, de Gaulle n'est plus tout à fait un officier comme les autres. C'est le début d'un désaccord grandissant qui scellera le destin de Charles de Gaulle.

- Les anticipations d'un officier hors norme -

Le différend éclate en 1927. Pétain confie à de Gaulle la mise au point de trois conférences qu'il donnera à l'École de Guerre. Le maréchal revendique alors la paternité des textes confiés à la rédaction de Charles de Gaulle. Et si celui-ci obtient, parallèlement, de son protecteur des promotions successives – état-major de l'armée du Rhin puis commandement du 19e, bataillon de Chasseurs à Trèves (octobre 1927 - octobre 1929) ; chef des bureaux Renseignement et Opérations des troupes françaises du Levant (à Beyrouth, de novembre 1929 à octobre 1932) ; enfin et surtout, secrétariat général de la Défense nationale, de novembre 1932 à septembre 1939 – le commandant (1927), lieutenant-colonel (1933) puis colonel de Gaulle (1937) rompt néanmoins l'entente. De Gaulle cesse d'appartenir au cercle des protégés de Pétain. A savoir que la connaissance du Moyen-Orient lui sera, en d'autres temps, utile (quand il est muté au Liban - de 1929 à 1932). De plus, de Gaulle s'initie aux affaires de l'État quand il entre au secrétariat général de la Défense nationale.

Durant cette période, Charles de Gaulle publie de nombreux articles dans lesquels il fait connaître sa doctrine en matière de stratégie militaire. Insistant notamment sur l'importance de la mobilité et de l'effet de surprise au détriment du classique plan de bataille élaboré a priori, il s'attire les réprobations virulentes de l'entourage de Pétain. C'est à cette époque qu'il publie ses livres : mars 1924, publication chez Berger-Levrault de son premier livre, La discorde chez l'ennemi. En juillet 1932, ce n'est plus un livre d'histoire mais un essai très personnel que, du retour de Levant, de Gaulle donne à Berger-Levrault, Le fil de l'épée. En fait, c'est dès la parution de Vers l'armée de métier, en mai 1934, que s'est creusé définitivement le fossé entre de Gaulle et l'État-major, mais aussi et surtout, avec Philippe Pétain.

Son livre Vers l'armée de métier plaide pour la refonte d'une armée française professionnalisée et augmentée de 100000 hommes, pour la création d'unités blindées et mobiles et pour une stratégie en mouvement opposée à la guerre statique. Seuls Paul Reynaud et Philippe Serre comprennent l'intérêt de ces thèses. Officiellement, le divorce des deux hommes ne sera consommé qu'en 1938, avec la parution de La France et son armée, Pétain ne pardonnant pas à de Gaulle de publier sous son nom ce texte dont il lui avait passé commande treize ans plus tôt avant de s'en désintéresser.

Colonel en 1937, Charles de Gaulle est nommé à la tête du 507e Régiment de chars de combat à Metz. Plus que jamais, il est en contact étroit avec Paul Reynaud en qui il voit le seul homme capable de renverser le cours des choses si le pouvoir et les moyens d'exercer s'offrent un jour à lui. Mais celui qu'on surnomme avec ironie le "colonel Motor" n'est guère apprécié du général Henri Giraud qui gouverne la ville de Metz.

Quand la France déclare la guerre à l'Allemagne, le 3 septembre 1939, de Gaulle est, depuis la veille, commandant par intérim des chars de la première armée. Le 10 mai, l'Etat-major lui confie avec réticence le commandement de la 4e division cuirassée en cours de formation. Avec des forces éparses, il s'illustre néanmoins à Montcornet et Laon, et arrête les Allemands à Abbeville (27-30 mai 1940). Il démontre ainsi la justesse de ses analyses de 1934. Le 5 juin, Charles de Gaulle, nommé général de brigade à titre temporaire quatre jours auparavant, entre au gouvernement de Paul Reynaud, alors président du Conseil, en tant que sous-secrétaire d'État à la Guerre. Mais il est trop tard, la bataille de France est perdue.

Benjamin HUS

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